DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
« LES COREVIH ont aujourd’hui changé de braquet », a lancé Chantal Lachenaye-Llanas, directrice générale adjoint du CHU de Bordeaux. Les Coordinations régionales de lutte contre le Virus de l’Immunodéficience Humaine, créées en 2005 (décret du 15 novembre 2005), ont progressivement remplacé les CISIH (centres d'information et de soins de l'immunodéficience humaine). Après un an d’existence – l’arrêté relatif à la composition de ces nouvelles structures date de novembre 2007 –, ils font figure de modèle dans la nouvelle organisation des soins qui est en train de se mettre en place. « C’est l’esprit de la loi de HPST de faire tomber les barrières », a encore souligné la représente du CHU de Bordeaux.
Le forum qui s’est tenu à Bordeaux est le premier de six forums régionaux qui doivent rassembler les membres des COREVIH avant un colloque national prévu à Paris en 2010. Hospitaliers, médecins généralistes, acteurs de réseaux VIH, représentants d’association de patients ont choisi de mettre l’accent sur la prise en charge en médecine de ville et sur l’éducation thérapeutique.
Prise en charge élargie.
Le visage de l’épidémie a profondément changé. L’infection par le VIH évolue vers une maladie chronique avec des patients qui vivent plus longtemps alors que dans le même temps le dépistage reste tardif : « 30 % des personnes porteuses du virus l’ignorent », a rappelé le Dr Denis Lacoste, président du COREVIH Aquitaine et président de la Société française de lutte contre le sida (SFLS). « Le médecin généraliste a un rôle clef dans l’accompagnement du patient et il est le principal prescripteur du dépistage », a-t-il souligné.
Tout plaide aujourd’hui en faveur d’une prise en charge élargie. À la suite du rapport Yéni (2008) qui recommandait qu’une réflexion soit menée dans ce sens, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et la SFLS ont conduit un consensus formalisé sur la prise en charge du VIH en médecine de ville et en médecine générale. Cependant, son application pose en un certain nombre de problèmes. « La prise en charge des patients VIH par le médecin généraliste, ça existe », a fait observer le Dr Lacoste. Mais elle est le fait « d’un petit groupe de médecins très impliqués. La relève est notoirement insuffisante en nombre et en motivation. »
Le Dr Bernard Couadou est de ceux-là. Installé depuis 1983 et fondateur du réseau VIH Gironde, il avoue même être parfois l’unique médecin de patients infectés par le VIH qui ne souhaitent pas passer par l’hôpital : « J’ai une file active d’environ 30 patients VIH par an, dont un tiers est suivi à l’hôpital, un autre tiers bénéficiant d’une prise en charge alternée et le dernier tiers étant constitué de patients dont je suis le médecin exclusif ». Le Dr Pierre Thibaut, généraliste et vacataire à l’hôpital de jour, a, lui, insisté sur l’obligation de suivre une formation spécifique : « Nous devons être formés. C’est une pathologie complexe, nous devons pouvoir répondre aux patients. » Et en contrepartie, « un intéressement financier » lui semble nécessaire.
« Un malade normal ».
L’amélioration de la coordination ville/hôpital passe sans doute par la mise en place d’un « suivi alterné », dont les modalités sont à précis er.« L’infection par le VIH mérite une prise en charge spécialisée, à l’hôpital ou par quelques médecins généralistes impliqués et formés. Mais le plus préoccupant reste la prise en charge des patients eux-mêmes, parce que le VIH gomme tout le reste. Dans l’imaginaire de beaucoup de professionnels de santé qui restent réticents à les prendre en charge, ce sont d’abord des patients VIH », a regretté le Pr Philippe Morlat, chef de service de médecine interne et maladies infectieuses . Certains découvrent aujourd’hui que « le malade VIH est un malade normal », a renchéri le Dr Thibaut. La qualité de la prise en charge dépendra aussi d’une meilleure coordination avec les autres professionnels de santé, infirmières, travailleurs sociaux, kinésithérapeutes… Or les réseaux historiques sont en train de s’essouffler et la place de ces professionnels libéraux reste encore à définir.
Quant aux patients, s’ils saluent l’avancée que constitue la reconnaissance de leur expertise dans la prise en charge du VIH, ils expriment aussi leur inquiétude : « Nous sommes prêts à accompagner ce transfert de compétence mais nous voulons être sûrs que la prise en charge sera identique partout sur le territoire. Dans les petites villes ou dans les zones rurales, il peut être difficile de trouver un médecin formé et qui connaît la pathologie. À l’horizon de ce changement de paysage, il y a le malade et c’est lui qu’on va transférer », a répété avec conviction Marie-Pierre Leclerc, militante à AIDES et vice-présidente du COREVIH Aquitaine.
Formaliser les pratiques.
Le patient qui est aussi au centre des programmes d’éducation thérapeutique (ETP). « Pendant longtemps, nous avons bricolé dans nos chaumières respectives », a expliqué le Dr Noëlle Bernard, praticien hospitalier dans le service du Pr Morlat et présidente du réseau Gironde et responsable du groupe sur l’ETP du COREVIH. Elle se souvient des premiers dessins effectués en 1996 pour faire comprendre à une patiente turque pourquoi et comment il fallait prendre son traitement. Maintenant que l’article 22 de la loi HPST inscrit l’ETP dans le parcours de soin du patient, « un effort de formalisation est à faire ». Elle regrette le choix du terme d’éducation thérapeutique, qui ne reflète pas totalement la réalité de la pratique : « L’ETP existe même sans le traitement. De nombreux patients infectés vivent longtemps sans prendre de médicaments mais justifient d’un programme d’ETP », a-t-elle souligné ; quant à « éducation », cela évoque plutôt quelque chose de directif, alors que le but du programme est précisément l’autonomie du patient. L’ETP, a-t-elle encore insisté, « nécessite une écoute active du patient. Cela demande de l’énergie et du temps, 3/4 d’heure à 1 heure ». D’où, là encore, une demande de reconnaissance financière. En pratique, ce sont les infirmières qui le font « à la volée » lorsqu’un patient se présente à l’hôpital de jour par exemple et qu’il y a nécessité sur le moment ou à distance. À l’hôpital Saint-André de Bordeaux, un projet de centre éducation thérapeutique va bientôt voir le jour. « Il réunit tous ceux qui au sein de l’hôpital font de l’éducation thérapeutique, pour l’asthme, pour le diabète, pour les maladies cardio-vasculaires et les autres maladies chroniques », a précisé le Pr Claude Conri, à l’origine du projet. Des centres sont également prévus dans les deux autres hôpitaux du CHU, l’hôpital Pellegrin et l’hôpital Haut-Lévêque. « Et dans trois semaines, un diplôme d’université d’éducation thérapeutique va voir le jour », a-t-il annoncé.
* Opération organisée en partenariat avec Décision Santé et les laboratoires GlaxoSmithKline ; les débats seront disponibles sur le site www.decision-sante.com.
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