La controverse, qui existe depuis plus de 40 ans au sujet de l'administration de glucocorticoïdes dans le choc septique, est-elle en train de se dissiper ? C'est ce que laisse à penser l'essai international ADRENAL, la plus grosse étude jamais menée dans le choc septique.
Dans « The New England Journal of Medicine », l'équipe coordonnée par le Pr Bala Venkatesh du George Institute for Global Health à Brisbane renverse la tendance chez 3 800 patients dans 69 sites de 5 pays (Australie, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Arabie Saoudite, Danemark). Si l'essai ne montre pas de diminution significative de la mortalité à 90 jours, des bénéfices importants se dégagent sur les critères secondaires.
Une dose faible d'hydrocortisone (200 mg/jour) administrée en perfusion continue pendant 7 jours a significativement diminué la durée de l'état de choc (3 jours vs 4 jours), la durée de ventilation mécanique (6 jours vs 7 jours), la durée d'hospitalisation en réa (10 jours vs 12 jours) et le recours aux transfusions sanguines (37,0 % vs 41,7 %). Le site primaire de l'infection était pulmonaire dans un tiers des cas (33,8 %), abdominal dans un quart des cas (25,9 %), un sepsis (17,1 %) puis cutané ou des tissus mous (7,4 %), urinaire (7,9 %) ou autres (7,9 %).
Des recommandations internationales prudentes
Dans le traitement du choc septique, l'administration de glucocorticoïdes (GC) est restée sujette à discussion. Si les GC sont censés aider à neutraliser l'inflammation, des doutes subsistent quant à leur efficacité réelle et sur de potentiels effets secondaires (infections secondaires, myopathies, insuffisance surrénale).
Suite aux résultats négatifs de l'étude européenne CORTICUS, les dernières recommandations 2016 du consensus « Surviving Sepsis Campaign » regroupant 78 sociétés savantes étaient restées prudentes, en conseillant l'hydrocortisone à 200 mg/jour seulement si le traitement standard (remplissage, vasopresseurs) ne suffit pas.
« Tout à gagner, rien à perdre »
« En France, on estime qu'environ la moitié des patients en réanimation reçoivent des GC, explique le Pr Djillali Annane, chef du service de médecine intensive et réanimation de l'hôpital Raymond Poincaré de Garches (APHP). L'essai européen CORTICUS avait montré une tendance à l'augmentation des décès. Ici, avec un effectif plus important, l'essai ADRENAL la renverse en montrant une tendance, certes non significative, mais à la diminution, et avec des bénéfices importants sur les critères secondaires et en l'absence d'effets secondaires ».
Compte tenu de l'absence d'effets sur la mortalité, les résultats d'ADRENAL sont-ils suffisants pour changer les choses ? C'est l'avis des auteurs qui mettent en avant les bénéfices pour la santé des patients mais aussi le gain économique. « Ce traitement pas cher du tout améliore les patients et diminue les coûts, développe-t-il. En France, ceux qui n'étaient pas convaincus par les GC, continueront à ne pas en donner, ceux qui l'étaient, continueront à en donner et ceux qui étaient indécis vont sans doute en donner. Il y a tout à gagner et rien à perdre. Il y a fort à parier que les recommandations de la "Surviving Sepsis Campaign" changent en 2018 ».
Ce d'autant que d'autres résultats favorables vont arriver sous peu. Une autre étude elle aussi très attendue, l'étude française APROCCHSS, s'est d’ores et déjà annoncée être positive par la voix de… Djillali Annane, coordonnateur de l'étude. « Notre étude, qui a inclus 1 241 patients dans le cadre d'un PHRC, vient de se terminer, explique le réanimateur de Garches. La formulation testée est différente d'ADRENAL, il s'agit de l'association d'hydrocortisone et de fludrocortisone, une molécule développée et fabriquée par la pharmacie des hôpitaux de Paris, l'AGESP. Les résultats sont très encourageants ».
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