Un virus du groupe N sort du Cameroun

Les leçons d’une infection inhabituelle par le VIH

Publié le 25/11/2011
Article réservé aux abonnés

LE CAS d’un français contaminé par le VIH lors d’un séjour au Togo conduit l’équipe de François Simon (hôpital Saint-Louis, Paris) à une actualisation du mode de réflexion sur l’infection. Cette observation clinique, rapportée dans « The Lancet », vaut tout d’abord par le groupe du VIH1 contaminant, le groupe N, jusqu’alors cantonné au Cameroun.

Le 21 janvier dernier un homme de 57 ans, résidant en France, consulte, aux urgences, huit jours après son retour du Togo. Il présente une fièvre, une éruption cutanée, des adénopathies et une ulcération génitale. En raison de relations sexuelles lors de ce séjour, une infection par le VIH est évoquée.

Des tests ELISA et Western blot sont faiblement positifs. Le 1er février suivant, la charge en ARN viral s’établit à 4,2 log10 copies/ml. Huit jours plus tard, il est revu alors qu’est apparue une paralysie faciale. Son compte de CD4 s’élève à 219/µ/l, l’ARN viral plasmatique est 4,4 log10 copies/ml. Selon les recommandations françaises, l’équipe décide de réaliser un génotype du virus avant d’instaurer le traitement. A leur surprise les biologistes ne peuvent amplifier les gènes de la reverse transcriptase et de la protéase, alors que la charge virale est élevée. Cela déclenche une recherche du sérotype viral. Le résultat est net, il existe une réactivité vis-à-vis des antigènes spécifiques du groupe N. Un séquençage du génome entier de ce VIH1 est décidé, il confirme l’appartenance du virus au groupe N.

Une quintuple thérapie antirétrovirale est mise en route par : ténofovir, emtricitabine, darunavir/ritonavir, raltegravir et maraviroc. Au bout de quatre semaines (dernière consultation du patient) la charge plasmatique en ARN était passée sous la barre des 20 copies/ml et le compte de CD4 s’était élevé à 483/µl.

C’est cet ensemble clinique et biologique qui inquiète les médecins français. Ils rappellent, en effet, que le VIH1 du groupe N (non-M, non-O) a été identifié pour la première au Cameroun, en 1998. Considéré comme plus proche du SIV du chimpanzé que des VIH1 des groupes M, O ou P, il n’était pour l’instant signalé que dans ce pays.

Une situation embarrassante.

Cette contamination survenue au Togo donne à penser que le virus a franchi les frontières camerounaises. Une situation embarrassante dans la mesure où les signes cliniques de l’infection sont très marqués et que le déclin des CD4 apparaît rapide. Il faut avoir recours à une quintuple association antirétrovirale dont on ne sait pas si la bonne efficacité initiale persistera dans le temps, tant au plan immunologique que virologique. De plus se pose un problème biologique. Les kits utilisés ne se sont pas montrés très précis dans leurs évaluations, et les autres demandent à être testés dans cette situation.

L’équipe parisienne conclut sur une mise en garde. Dorénavant des divergences entre les données d’une charge virale et des tests moléculaires devront attirer l’attention des cliniciens et des biologistes. Il faudra évoquer un VIH1 du groupe N, puisqu’il s’est évadé du Cameroun.

The Lancet, vol 378, p. 1894.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9048