Plusieurs publications récentes soulignent l’augmentation de l’incidence des spondylodiscites infectieuses (SDI), notamment chez les sujets âgés. Cette évolution à la hausse est nette dans une étude danoise, qui a suivi pendant quatorze ans une population de 500 000 habitants (1). Au cours de la période étudiée, 192 cas ont été rapportés, dont les trois quarts étaient documentés sur le plan bactériologique – restait donc un quart sans germe retrouvé. La localisation lombaire prédominait (68 % des cas), suivie de la localisation thoracique (1/3). Selon ce travail, « l’augmentation de l’incidence annuelle était d’environ 7 %, avec une prédominance pour le Staphylococcus aureus et davantage de staphylocoques à coagulase négative chez les cas postopératoires. Le risque était multiplié par six chez les hommes de plus de 70 ans », précise le Pr Pascal Guggenbuhl (Rennes).
La mortalité était élevée : 47 % tout au long du suivi, dont 20 % la première année. À long terme, seuls deux facteurs étaient significativement associés au risque de décès en analyse multivariée : la dépendance à l’alcool et l’immunosuppression.
Les résultats d’une autre étude danoise, menée cette fois à l’échelle du pays sur 1 500 cas, vont dans le même sens, avec une mortalité de 24 % à 10 ans, contre 15 % dans la population générale (2). L’analyse des facteurs de risque de décès y souligne elle aussi la fréquence des comorbidités : cancers, diabète, maladies cardiovasculaires et surtout insuffisance rénale chronique et cirrhose.
« En matière de diagnostic, tous les cliniciens savent qu’il y a une zone grise avec l’IRM, et un manque de sensibilité dans les quinze premiers jours », rappelle le Pr Guggenbuhl. Le PET scan pourrait avoir une meilleure performance dans cette période de tout début de l’infection, selon une étude (3).
La durée de traitement des SDI est un sujet débattu. Un travail français mené sur 359 patients n’a pas trouvé de différence significative de guérison entre des durées de six semaines et de douze semaines (4). « Toutefois, tous les patients ne sont pas guéris en six semaines, il faut être prudent, notamment chez les plus de 75 ans et en cas d’infection à Staphylococcus aureus, tempère le Pr Guggenbuhl. La présence de certains facteurs était plus à risque d’échec du traitement court : staphylocoque méticilline-résistant, abcès non drainés, insuffisance rénale chronique. »
Vers un diagnostic plus rapide pour les arthrites infectieuses
« Pour le rhumatologue, poursuit le spécialiste, l’idéal serait de pouvoir porter le diagnostic d’arthrite infectieuse rapidement après la ponction au cabinet, puisqu’il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique. » D’où la nécessité de développer des moyens simples et peu coûteux utilisables facilement par les praticiens. Un travail réalisé sur 102 prélèvements de liquide synovial (dans le genou dans 81 % des cas) a montré que la mesure du glucose par glucomètre est bien corrélée à la mesure de référence au laboratoire. En cas d’arthrite septique, il existe une diminution du glucose dans le liquide synovial bien supérieure que dans les arthrites non septiques (5).
Dans une autre étude, le pourcentage de polynucléaires neutrophiles semblait aussi un paramètre très intéressant : s’il était inférieur à 80 %, l’arthrite septique était peu vraisemblable, alors que s’il était de plus de 95 % en l’absence de cristaux le rapport de vraisemblance était élevé (6).
« Une autre technique, développée dans le service de rhumatologie avec la société Diafir à Rennes, se fonde sur la spectroscopie infrarouge déportée (7). Elle a montré une bonne capacité à discriminer les arthrites septiques. Une étude multicentrique est en cours pour valider la méthode », rapporte le Pr Guggenbuhl.
Plusieurs études se sont penchées sur l’évolution des arthrites septiques. L’équipe de Nantes a mis en avant l’apport de l’échographie Doppler, dont les données sont corrélées à l’évolution fonctionnelle (8). Un travail rétrospectif espagnol sur 186 cas a précisé les facteurs de risque de décès au cours d’une arthrite infectieuse. Celui-ci est plus fréquent en cas d’âge élevé, de bactériémie, de diabète ou d’insuffisance rénale aiguë (9). Enfin, une autre étude française (10), réalisée à Amiens sur 109 patients, originale du fait du nombre élevé de petites articulations concernées, a rapporté une mauvaise évolution fonctionnelle dans 32 % des cas et 19 décès (17,8 % des cas), dont 6 attribués directement à l’arthrite infectieuse (5,6 %). L’âge, la localisation à la hanche, une atteinte cutanée et une fonction rénale altérée sont des facteurs de risque de mauvaise évolution.
D’après un entretien avec le Pr Pascal Guggenbuhl, Rennes.
(1) Kehrer M et al. Journal of Infection. 2014;68(4):313–32
(2) Aagaard T et al. Infect Dis (Lond). 2016;48(3):201-8
(3) Smids C et al. Infection (2017) 45: 41
(4) Bernard L et al. Lancet. 2015 Mar 7;385(9971):875-82.
(5) Omar M et al. Clin Rheumatol. 2017 Mar;36(3):591-598.
(6) Ferreyra M et al. Joint Bone Spine 2017;84:65-70
(7) Albert JD et al. Joint bone spine 2016, 83(3): 318-23
(8) Gaigneux E et al. Joint bone spine 2017, 84(5):599-60
(9) Maneiro JR et al. Clin Rheumatol. 2015 Nov;34(11):1961-7
(10) Ferrand J et al. BMC Infect Dis. 2016 Jun 1;16:239
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