Le 23 novembre dernier, la ministre des affaires sociales et de la santé Marisol Touraine a annoncé « être favorable » à ce que le traitement de l’infection par le VIH Truvada (emtricitabine et tenofovir disoproxil fumarate, Gilead) bénéficie d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) dans l’indication de la prophylaxie pré-exposition (PrEP).
Elle a également annoncé un remboursement de ce médicament dans le cadre de la PrEP. Cette déclaration était la dernière étape d’un véritable « feuilleton de la PrEP » qui a tenu en haleine les associations et les infectiologues, très demandeurs de cette nouvelle stratégie de prévention pour les populations les plus exposées, basée sur la prise de 2 comprimés de Truvada avant l’exposition à un risque d’infection, suivi d’un comprimé 24 heures après et d’un dernier au bout de 48 heures.
Le fruit d’un long processus
Pour les associations et les acteurs de la lutte contre le VIH, cette décision était très anticipée. De nombreux services d’infectiologie, à commencer par ceux ayant participé à l’essai ANRS- IPERGAY, ont commencé à mettre en place des consultations dédiées à l’intégration de la PrEP dans un ensemble de moyens de prévention dont le préservatif restera l’élément central. Assistées par des intervenants communautaires, elles proposeront des tests de dépistage du VIH, un bilan des IST et un bilan sérologique. Un bilan rénal sera également réalisé pour s’assurer de la bonne tolérance vis-à-vis du Truvada. « La primo-prescription sera médicale », a pécisé le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida, promoteur de l’essai. Toutes ces consultations pourraient ne pas s’adresser aux mêmes publics : alors que la consultation de l’hôpital Tenon sera ouverte « aux couples sérodiscordants et aux travailleurs du sexe », selon le Pr Gilles Pialoux, d’autres comme celle de l’Hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, ne s’adresseront qu’aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). « Les études ont montré que les populations HSH sont les seules chez qui la PrEP soit efficace », rappelle le Dr Laurent Cotte qui dirigera la future consultation lyonnaise. Dans sa RTU, l’ANSM laisse aux médecins le choix entre PrEP en continu et à la demande même si elle estime que la PrEP à la demande n’a fait ses preuves que dans la population des HSH.
Les experts unanimes
Pour que la PrEP soit une réalité en France, il a fallu les arguments solides fournis par les résultats des essais PROUD et IPERGAY* présentés lors de la conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), en février 2015. Les deux essais avaient montré que la PrEP procurait un taux de protection de 86 % contre les infections par le VIH dans la population HSH, bien que leurs approches de la PrEP étaient sensiblement différentes. IPERGAY évaluait l’efficacité de la PrEP à la demande dans un essai randomisé contre placebo, alors que PROUD évaluait la PrEP en continu entre un groupe mis sous PrEP dès son entrée dans l’étude et un groupe qui devait commencer sa PrEP un an plus tard.
Ces résultats ont déclenché des modifications de recommandations en cascade, à commencer par celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a recommandé, en juillet dernier, les ARV en prévention chez les homosexuels. En France, le rapport Morlat a également recommandé d’intégrer la PrEP à un ensemble de mesures de prévention assorties d’un bon accompagnement des patients et d’une réévaluation du statut vaccinal. C’est cette unanimité des experts qui a poussé la commission d’évaluation initiale du rapport bénéfice/risque des produits de l’ANSM à se prononcer en faveur de la mise en place d’une RTU. « La France est le premier pays européen à prendre cette mesure qui va avoir un impact majeur sur le cours de l’épidémie », indiquait au « Quotidien » le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’Hôpital Saint-Louis, principal investigateur de l’essai ANRS-IPERGAY, le premier à avoir annoncé l’ouverture d’une consultation PreP. Le Pr Delfraissy espère que d’autres pays européens suivront l’exemple français. La PreP est autorisée aux États-Unis depuis 2012.
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