VIH : des anticorps neutralisants à large spectre ont permis un arrêt des antirétroviraux pendant 5 mois et demi

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Publié le 28/09/2018
vih traitement

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Crédit photo : PHANIE

Une durée médiane de 21 semaines sans traitement antirétroviral, et même plus de 30 semaines pour certains, c'est le répit gagné par 11 patients infectés par le VIH, grâce à l'injection d'anticorps neutralisant à large spectre (bNAbs). Ce résultat a été publié dans « Nature » par les Pr Michel Nussenzweig et Marina Caskey du laboratoire d'immunologie moléculaire de l'université Rockefeller associés au Dr Florian Klein de l'institut de virologie de l'hôpital universitaire de Cologne.

Dans cette étude de phase 1b, les immunologistes ont procédé à 3 injections (30 mg/Kg) de 2 bNAbs, le 3BNC117 et le 10-1074, étalées sur une période de 6 semaines. Tous les patients avaient une charge virale indétectable au début de l'étude ; un rebond de la virémie n'a été observé qu'au bout de 5 à 30 semaines sans traitement antirétroviral. Chez neuf patients, cette durée dépassait 15 semaines.

De telles durées de suppression virologique sans antirétroviraux impressionnent le chercheur français Hugo Mouquet, directeur de laboratoire à l’Institut Pasteur. « Le 3BNC117 a déjà été testés par la même équipe de chercheurs chez des patients sans virémie détectable avant interruption du traitement antirétroviral. Le 3BNC117 seul maintenait une virémie indétectable pendant 10 semaines avec 4 injections. Avec un autre bNAb, le VRC01, on atteint seulement une médiane de 6 semaines de suppression ». Des durées 2 à 3 fois plus faibles que celles observées en combinant 3BNC117 et 10-1074.

Bons résultats chez les patients virémiques

Parallèlement à cette étude de phase 1b, les chercheurs ont également expérimenté leur cocktail d'anticorps chez 7 volontaires séropositifs virémiques, n'ayant encore jamais reçu d'antirétroviraux. Ces résultats publiés dans Nature Medicine montrent que l'injection des deux bNAbs réduit de 2 log10 la virémie chez les individus ayant des virus sensibles aux bNAbs sur une période allant jusqu'à 3 mois après la dernière injection. Lors d'essais antérieurs avec une monothérapie avec injection unique du 3BNC117 ou du 10-1074, la réduction de la virémie « était de 3 à 10 fois moins importante », commente Hugo Mouquet.

« La durée d'action est également plus longue, poursuit-il. Avec un seul anticorps, la virémie revenait au niveau d'avant traitement au bout d’environ un mois, alors qu’avec le duo de bNAbs c’est 3 mois » précise Hugo Mouquet. Une suppression totale de la virémie a en outre été observée chez quelques patients pris en charge précocement, dont la charge virale était encore peu élevée.

Pas de résistance aux 2 anticorps

Dans ces deux études, aucune résistance aux deux anticorps n’est apparue lorsque leurs concentrations sériques dépassaient 10 µg/ml. « L’avantage de cette bithérapie est que comme les anticorps 3BNC117 et 10-1074 se fixent sur 2 sites distincts des protéines d'enveloppe env, dans le cas d’émergence de variants résistants à l’un des anticorps, ces viruses d’échappement restent en général sensibles à l’action du second bNAb »  précise Hugo Mouquet. 

Le « grand boom » des bNAbs

Compte tenu de la grande variété de souche de VIH, « ces 2 anticorps ne fonctionneront pas chez tous les patients, prévient le Pr Caskey, mais si nous combinons ces 2 bNAbs avec d'autres anticorps ou des traitements antirétroviraux, ils pourraient être efficaces chez un plus grand nombre de patients. » Concernant les futurs développements des bNAbs, le Pr Nussenzweig s'attend à ce que de nouveaux variants bénéficient de demi-vie « 3 à 4 fois plus longue ». Et le chercheur de prophétiser : « Ainsi, nous pourrions ne donner ces anticorps qu’une ou deux fois par an ».

Le domaine de la recherche contre le VIH-1 connaît « un grand boom » avec les bNAbs, explique Hugo Mouquet. « Tous les ans, un nouveau article décrit une nouvelle molécule, encore plus puissante in vitro, embraye-t-il. Maintenant que l’efficacité antivirale des bNAbs chez l’homme est prouvée et que leur utilisation est a priori sans danger, le nombre d’essais cliniques va s'étendre ». Une des applications possibles des bNAbs est leur utilisation dans le cadre de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) dans les populations à risque. Une étude du National Institute of Health (NIH) dans cette indication spécifique devrait bientôt commencer.


Source : lequotidiendumedecin.fr