ENTRETIEN

Philippe Burnel (DSSIS) : « Il était logique de confier le portage du DMP à la CNAM, qui connaît bien les professionnels de santé libéraux »

Publié le 07/07/2014
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Crédit photo : Philippe Chagnon / Cocktail Sant

LE QUOTIDIEN : Marisol Touraine a indiqué que la maîtrise d’œuvre du DMP serait confiée à l’assurance-maladie. Quelles sont les raisons de ce choix, et ses conséquences ?

PHILIPPE BURNEL : Le DMP est un des outils support de la coordination des soins. Il concerne le monde hospitalier et la ville. Au sein de l’hôpital, le déploiement du DMP peut être accompagné par des ressources internes. Ce n’est pas le cas en ville, où les professionnels sont souvent seuls face à la complexité des systèmes d’information. C’est donc sur la ville qu’il convient de faire porter notre plus grande attention en termes de déploiement des usages.

Fort de cette conviction, il était logique de confier à la CNAMTS, qui connaît bien les professionnels de santé libéraux, le portage d’un tel outil. En outre, ceci favorisera une série de synergies, par exemple en matière d’intégration dans les téléservices ou de travail avec les éditeurs de logiciels. Compte tenu de l’importance des « SI » [systèmes d’information] de la CNAMTS, le transfert du DMP en son sein offre des perspectives de rationalisation.

Que devient l’ASIP-santé ?

Celle-ci a deux missions essentielles qui perdurent et doivent même se renforcer. La première est celle de gérer l’infrastructure commune aux systèmes d’information de santé (référentiels de sécurité ou d’interopérabilité, gestion du répertoire partagé des professionnels de santé - RPPS- et des cartes de professionnels de santé...). La seconde est d’accompagner l’État et les ARS dans la mise en œuvre de projets « SI » importants, comme c’est le cas aujourd’hui pour l’informatisation des SAMU/Centres 15.

Le DMP redevient le dossier médical « partagé » et non plus « personnel ». Que signifie cette évolution sémantique ?

Il s’agit de mettre l’accent sur le fait que le DMP est créé pour partager l’information médicale entre les professionnels. Cela ne veut évidemment pas dire que le patient n’a pas de droits, à commencer par le premier d’entre eux, qui est de consentir à son ouverture et d’accéder à son contenu. Le DMP, c’est un outil de partage entre les professionnels, d’une part, et entre ces derniers et le patient, d’autre part.

Le DMP sera orienté vers les malades chroniques et les personnes âgées... Réduire la voilure n’est-il pas un aveu d’échec ?

Même si la possibilité d’ouvrir un DMP est garantie à tous les assurés, les patients chroniques et les patients âgés sont en effet les cibles prioritaires de déploiement. De fait, dans la plupart des situations qui conduisent des professionnels de santé à avoir besoin d’échanger de l’information (adresser un patient en consultation pour avis, adresser un compte rendu d’examen...), l’usage d’une messagerie sécurisée suffit.

Mais dès lors que le patient est amené, en raison de sa maladie, à consulter des professionnels différents et de façon fréquente, il devient plus efficace de partager l’information au sein d’un dossier médical partagé.

D’où la cible résolument tournée vers les patients chroniques ou âgés, conformément à la stratégie nationale de santé.

Des voix s’élèvent, y compris à gauche, pour dénoncer le choix du pilotage par l’assurance-maladie...

L’assurance-maladie ne sera pas l’hébergeur des données de santé du DMP ! Son rôle sera de favoriser l’évolution de l’outil DMP et l’usage de la messagerie sécurisée pour rendre le dossier plus convivial pour les professionnels de santé. Il s’agit aussi d’en améliorer l’interopérabilité avec les logiciels métiers déployés sur le terrain. Cette mission ne lui donnera aucune possibilité d’intervenir sur les données des dossiers qui continueront d’être hébergés chez un hébergeur tiers de données de santé.

Cette solution a ses défenseurs et ses détracteurs. Dans tous les cas, nous avons considéré qu’il aurait été déraisonnable de relancer un nouveau chantier technique. Il est en revanche évident que le produit DMP devra évoluer graduellement. Dès lors qu’il n’a, en aucun cas, vocation à rassembler toutes les informations relatives à un patient, il constitue une brique de base qui sera entourée d’un nombre croissant d’autres outils, comme les PACS [système d’archivage et de transmission des images médicales].

Propos recueillis par H.S.R.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9341