Infections à VIH

Appel à l’engagement des généralistes

Publié le 07/12/2011
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Crédit photo : PHANIE

ILS ÉTAIENT une cinquantaine de praticiens à avoir répondu à l’invitation du COREVIH du centre de Paris, pour une soirée d’échanges sur le thème « La médecine de ville face au VIH, les nouveaux enjeux ». Pour le Pr Christine Katlama, qui dirige le COREVIH Île-de-France centre, le seul à couvrir uniquement Paris, les CISIH (Centres d’information et de soins de l’immunodéfience humaine) « s’investissaient peu dans le domaine de la prévention et de la précarité », les 28 COREVIH disséminés dans tout l’hexagone doivent donc impliquer davantage les médecins généralistes dans le dépistage et la prise en charge du VIH.

L’enjeu pour la société est colossal. Les chiffres nationaux évoquent une population de 150 000 personnes infectées (dont 50 000 qui ignorent leur situation). Elle progresse au rythme d’environ 7 000 nouveaux cas par an, dont la moitié des cas en Île-de-France. Pour endiguer la pandémie, Christine Katlama implore les jeunes médecins « de s’engager » dans une démarche concertée avec les spécialistes et l’hôpital.

Un dialogue autour des conduites à risques.

S’il est farouchement opposé à un dépistage systématique du VIH, le Dr Pierre-Marie Girard, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Antoine (Paris) considère que le médecin traitant a un rôle « crucial dans la prévention et dans le dépistage ». Pour lui, que le généraliste avoue ne rien connaître aux trithérapies « n’a aucune importance », compte tenu des évolutions extraordinairement rapides en la matière. Car, étant en première ligne, il demeure un interlocuteur privilégié : « La proposition du test s’inscrit dans un dialogue autour des conduites à risque. Dépistage et prévention sont intimement liés. Lever le doute d’une séropositivité est une démarche responsable et anxiolytique : pour beaucoup, il est infiniment plus aisé d’accepter un test que d’en faire la demande. » Selon lui, la France est « un des pays où se font le plus de tests de dépistage : plus de 5 millions par an. Mais ils ont une rentabilité faible : moins de 1 % de séropositivités sont découvertes. » Pire, les personnes qui développent un sida seraient ceux qui échappent au dépistage.

En règle générale, les médecins sont sur la même longueur d’onde que Pierre-Marie Girard, même s’ils reconnaissent que les détections automatiques faites chez les femmes enceintes – permettant de protéger les enfants – ont été « très positives ». Rares sont les praticiens à proposer d’emblée une sérologie. Une gynécologue du 11e proposait systématiquement un test à ses patientes, jusqu’au jour où elle a été confrontée à une mère « qui s’est dite très surprise de la démarche ». La crainte de rendre le test « invasif » est partagée par de nombreux médecins traitants.

Pourtant, la mise sur le marché des nouveaux tests rapides doit permettre la généralisation des dépistages massifs pour un coût modique (4 euros l’unité), qui sera pris en charge intégralement par l’Assurance-maladie. En pratique, Gérard Israel, généraliste à Paris, considère que le dépistage au cabinet « est très difficile » à réaliser alors que les salles d’attente sont souvent bondées de monde. « Une fois que l’on annonce le résultat du test, s’il est positif, que fait-on ? », interroge-t-il. Estelle, une jeune praticienne installée dans le 12e pense que ce faisant, « elle risque de perdre de vue les bases de la médecine générale ».

La prise en charge de la maladie ne semble pas poser de problème, à condition toutefois que le médecin soit formé et qu’il soit assuré que la Sécurité sociale ne fera pas obstacle. Des pressions ont déjà eu lieu. Certains cabinets ont été rappelés à l’ordre par l’Assurance-maladie pour des renouvellements de traitement, au motif que « le patient devait passer au moins une fois par an par l’hôpital ».

Mal informés.

Depuis que les derniers chiffres de l’infection à VIH sont tombés, les responsables médicaux se sont déclarés surpris de l’importance des prises de risque (rapports sexuels non protégés), en dépit des campagnes de sensibilisation, qu’il s’agisse des gays ou des hétéros. Un généraliste du 11e arrondissement constate au contraire chez les patients un manque cruel d’informations. Il attend des pouvoirs publics qu’une campagne massive, sur le modèle de celle qui a été faite sur cancer colorectal, se propage sur les ondes des radios et à la télévision. Cela permettrait de sensibiliser le grand public, et les médecins eux-mêmes, qui ne sont pas toujours « formés à l’intérêt du dépistage précoce ». Sa consœur gynécologue opine de la tête. Si elle a répondu à l’invitation du COREVIH, c’est justement parce qu’elle se sent « mal informée ». « En tant que médecin, on est rarement invité à des rendez-vous comme celui-ci », regrette-t-elle. « Si l’on savait que le VIH est une maladie chronique qui se traite bien, on serait moins timide. » La mise en place de formations que chacun appelle de ses vœux doit, selon Christine Katlama, viser « à décoincer » les médecins eux-mêmes, qui, dans bien des cas, osent à peine « parler de sexualité avec leurs patients ».

XAVIER RENARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 9054