Attentats : l'étude IMPACTS pointe la nécessité d'une prise en charge précoce des victimes

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Publié le 07/06/2016
ATTENTAT

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Crédit photo : AFP

À la suite des attentats de janvier 2015 (attaques de « Charlie Hebdo », de Montrouge, de l'Hypercacher et de Damartin-en-Goële), Santé publique France, par le biais de la cellule d'intervention en région (CIRE) et le soutien de l'agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France, a mis en place l'enquête épidémiologique « IMPACTS » (pour « investigation des manifestations traumatiques post-attentats et de la prise en charge thérapeutique et de soutien »).

Cette enquête a été réalisée, du 1er juin au 31 octobre 2015, par des psychologues formés au traumatisme psychique, sous forme d'entretiens face à face auprès de 190 civils (victimes, témoins, ou personnes endeuillées) et 232 professionnels (sapeurs-pompiers, forces de l'ordre et de l'intervention, secours médico-psychologiques et secours associatifs). Cette étude se distingue par son aspect proactif, souligne la responsable de la CIRE Île-de-France Stéphanie Vandentorren contactée par le « Quotidien », puisque des questionnaires ont été remis aux habitants ou commerçants dans un périmètre de 100 mètres autour des lieux des événements, ce qui a permis d'inclure une population n'ayant pas sollicité le système de soins.

4 civils sur 10 avec un trouble de la santé mentale 6 mois après

Les premiers résultats (avant leur consolidation à la fin de l'année) confirment l'importance de l'impact psycho-traumatique chez les civils. Six mois après les attentats, près de 4 personnes sur 10 présentaient toujours au moins un trouble de la santé mentale : 20 % un stress post-traumatique, 10 % une dépression caractérisée, 30 % des troubles anxieux. Et 64 % des civils souffrant de stress post-traumatique présentent des troubles anxieux ou une dépression associés.

Plus les personnes ont été exposées, plus les conséquences psychotraumatiques sont importantes, souligne Santé publique France. Ainsi le pourcentage de stress post-traumatique s'élève à plus de 30 % chez les civils directement exposés, tandis qu'il est de 11 % chez les témoins, précise le Dr Vandentorren.

Expression somatique du stress

En outre, 83 personnes sur 190 (soit 44 %) ont consulté pour des troubles somatiques (fatigue, troubles ostéoarticulaires, cardiovasculaires, dermatologiques), 47 en imputant la cause en partie aux attentats. « Il est important que les généralistes soient sensibilisés à l'expression somatique des troubles psychiques », souligne la responsable de la CIRE. Par ailleurs, un tiers n'ont pas pu retourner au travail. Six mois après, encore 6 % n'avaient pas repris leur emploi.

Plus de la moitié des civils ont été pris en charge dans les 48 heures par une cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) ou au service des urgences de l'Hôtel-Dieu (avant d'être réorientée vers le secteur libéral ou hospitalier, et les associations de victimes), un pourcentage qui s'élève à 80 % chez les plus directement menacés. Elles ont eu deux fois moins de troubles que les autres personnes, à six mois.

L'étude met ainsi en lumière l'importance d'une prise en charge médico-psychologique précoce et « élargie dans l'espace et le temps », dit Stéphanie Vandentorren. Si 101 personnes ont été prises en charge dans les 48 heures, une trentaine l'a été entre 2 et 7 jours, et une autre trentaine après une semaine. En outre, certaines victimes ne consultent pas spontanément : seulement 4 % des civils directement menacés ont sollicité d'eux-mêmes un professionnel de santé.

Nécessaire formation pour les professionnels

Les secours et les forces de l'ordre ont été présents 11 heures en moyenne le premier jour, un tiers intervenant sur plusieurs sites. Ils sont ensuite restés mobilisés en moyenne 17 jours pour les secours, 29 pour les forces de l'ordre.

L'impact sur leur santé mentale a été moindre qu'en population civile : 3 % déclarent un état de stress post-traumatique, et 14 % ont au moins un trouble anxieux du type anxiété ou agoraphobie – des résultats qui varient selon la formation spécifique au stress psychique, dont ont pu bénéficier les intervenants. Mais les faibles effectifs (10 états de stress post-traumatiques) ne permettent pas de tirer de corrélation statistique), nuance Stéphanie Vandentorren.

Les forces de l'ordre ont été les plus exposées à la menace, et les plus endeuillées. Santé publique France conclut sur l'intérêt de généraliser les formations à la gestion du stress et aux conséquences psychotraumatiques pour prévenir les conséquences sur la santé. La consolidation des résultats, d'ici à la fin de l'année, devrait permettre d'approfondir notamment l'influence des antécédents personnels, du degré d'exposition, et de la prise en charge sur la population civile. Les 190 civils et 232 professionnels devraient être suivis pendant 3 ans. Une deuxième vague d'enquête qui commence en juin/juillet inclura des données sur les parcours de soins, ainsi que l'impact des attentats de novembre (qui devrait en parallèle faire l'objet d'une autre étude).


Source : lequotidiendumedecin.fr