Depuis le 11 juin, les témoins se succèdent à la barre des assises des Pyrénées-Atlantiques, à Pau, devant lesquelles comparaît Nicolas Bonnemaison, accusé d’avoir empoisonné 7 patients en fin de vie entre mars 2010 et juillet 2011, dans l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) du service des urgences de l’hôpital de Bayonne. L’urgentiste de 53 ans, radié de l’Ordre des médecins en avril, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Aucune famille de victime n’a porté plainte. Deux proches se sont portées parties civiles.
La médecine, une passion
Tout au long de cette semaine, l’urgentiste a maintenu sa ligne de défense, en reconnaissant les faits dont on l’accuse, qu’il justifie par sa volonté d’abréger les souffrances.
Il a pris la parole pour la première fois le mercredi 10 juin. « Je pense aux patients aujourd’hui. J’ai vécu des choses fortes, on vit des choses fortes avec les patients en fin de vie, des choses qui marquent le médecin. Ça marque l’homme aussi, au-delà du métier de médecin. »
« Je pense aux familles. On a un rôle très important avec les familles, un rôle de trait d’union, un rôle d’explication », a-t-il poursuivi, espérant avoir été « à la hauteur ».
Le Dr Bonnemaison a réaffirmé sa passion pour la médecine et décrit sa radiation du conseil de l’Ordre comme « une grande souffrance ». « Être ici comme un criminel, un assassin, un empoisonneur, c’est violent pour ma femme, mes enfants, ceux qui m’ont soutenu. »
Il est aussi revenu sur les nuages qui pèsent sur sa vie : suicide de son père lors de ces études de médecine, tentatives et suicide de sa sœur bipolaire en 2012, et ses propres épisodes dépressifs. « J’ai eu des idées suicidaires, mais je n’ai jamais menacé de le faire », a-t-il répondu au président Michel le Maître. Il a admis des difficultés avec ses collègues : « tension, critiques », et une relation extraconjugale entre 2007 et 2009 avec une surveillante du service, qu’il a mis sur le compte de « son état de fatigue et de déprime du moment ».
Difficultés à appliquer la loi Leonetti en associant les familles
Le Dr Bonnemaison a reconnu sa difficulté à associer les familles aux décisions d’arrêt des traitements ou d’euthanasie, comme le demande la loi Leonetti. « Donner le choix à la famille de prescrire ou de ne pas prescrire la sédation, c’est quelque chose de délicat », a-t-il expliqué, évoquant un choix cornélien source de culpabilité entre « risque de diminution de l’espérance de vie » et prolongation de la vie « au prix de souffrances ».
Ses pratiques solitaires ont été vivement contestées par l’une des deux parties civiles du dossier, Pierre Iramuno, fils d’une patiente de 86 ans décédée deux jours après son admission en avril 2010 dans l’UHCD. Le Dr Bonnemaison a reconnu avoir injecté de l’Hypnovel. « Vous ne m’avez pas parlé ! On aurait discuté, mais je ne vous ai pas vu ! », a lancé Pierre Iramuno au Dr Bonnemaison, qui a répondu avoir voulu « protéger les proches ». Interrogé par l’avocat général Marc Mariée sur les raisons de cet acte solitaire, et de son absence auprès de la famille, le médecin a reconnu « ne pas se l’expliquer ».
« Vous n’avez préservé personne, ni vous, ni nous, ni le personnel soignant ! On fait tous des bêtises, il faut les assumer », a poursuivi Pierre Iramuno, ajoutant qu’il n’aurait pas refusé de laisser mourir sa mère, si le médecin lui en avait parlé.
« On nous a volé les derniers instants de notre proche », a insisté la femme de Pierre Iramuno, qui s’est dite choquée que le Dr Bonnemaison ait parié un gâteau au chocolat sur l’espérance de vie de l’octogénaire. « Un pari de mauvais goût » avec un aide-soignant, a admis l’urgentiste.
Deux familles prennent sa défense
Deux familles de patients, appelés comme témoins, ont pris la défense du Dr Bonnemaison. Les enfants de Christian Tymen, une patiente de 80 ans, ont affirmé que l’urgentiste n’avait pu accélérer le décès de leur mère qu’ils n’avaient pas quitté un seul moment. « S’il y avait contribué, ça m’aurait convenu. Nous ne voulions pas qu’elle souffre ! Je ne comprends pas qu’un tel dossier soit traité devant une cour d’assise », a expliqué le fils.
Isabelle Dhooge, fille d’un homme de 66 ans, atteint de 5 cancers, décédé en 2010 au lendemain de son admission à l’hôpital de Bayonne, a raconté avoir ouvertement demandé au Dr Bonnemaison d’abréger les souffrances de son père. « J’ai informé le médecin qu’il voulait être euthanasié. Une vie ne suffirait pas pour remercier le Dr Bonnemaison. Il ne l’a pas tué, il l’a aidé à partir dignement », a-t-elle dit.
Controverse à l’hôpital
Deux directeurs du centre hospitalier de la Côte basque se sont succédé pour décrire « un excellent chef de service », « le médecin le plus indiqué pour diriger l’UHCD », selon Michel Glanes. Son prédécesseur Angel Piquemal parle d’un homme « bénéficiant de la confiance de ses pairs, en un mot un type bien ».
Michel Glanes a néanmoins reconnu s’être trouvé face à un « cas de conscience » lorsqu’une cadre de santé lui a remis un rapport sur les agissements supposés du Dr Bonnemaison : l’administration de curare en dehors des protocoles prévus par la loi Leonetti. Le directeur avait alors convoqué le médecin, qui fut mis en examen en août 2010.
Michel Glanes a aussi récusé l’image d’une « unité fourre-tout où on orientait les patients en fin de vie » dont personne ne voulait, axe de la défense du Dr Bonnemaison.
Le médecin a en revanche été vivement critiqué par Christine Solano, l’infirmière et cadre de santé qui l’a dénoncé à la direction. Elle a évoqué un changement dans le comportement du médecin lors de son retour d’un arrêt maladie en 2009, et des difficultés relationnelles au quotidien.
La défense du médecin a rétorqué en rappelant la proximité entre Christine Solano et l’ancienne maîtresse de Nicolas Bonnemaison.
La fin du procès est fixée au 27 juin.
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