GESTE FORT de Nicolas Sarkozy à l’adresse des chiraquiens, la nomination de François Baroin à Bercy peut-elle se traduire par un infléchissement de la politique budgétaire appliquée au secteur de la santé, politique jusque-là incarnée par le très orthodoxe Éric Woerth, habile « Père la Rigueur » qui n’hésitait jamais cependant à faire la pédagogie des décisions gouvernementales (sur l’ONDAM serré, la lutte anti-fraudes, le contrôle des arrêts de travail, la nécessité d’accroître performance hospitalière…) ?
Même si les deux hommes n’ont assurément pas le même profil, il est permis de douter du moindre changement dans la conduite des réformes car le principal défi de François Baroin, colossal, reste inchangé : redresser des finances publiques exsangues en pleine période de crise, et en particulier la dette abyssale de la Sécurité sociale creusée par l’effondrement des recettes. La tâche est lourde et ne permet guère de s’écarter des sentiers tracés par les impératifs européens (il faut trouver 50 milliards d’euros d’économies pour ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013). À peine nommé, François Baroin a admis que « tout ce qui a été engagé sera poursuivi » citant l’objectif d’une « stricte maîtrise des dépenses publiques ». Au moment de passer le témoin, Éric Woerth lui a lancé aussi en guise de feuille de route : « C’est injuste, la crise a fait chuter nos recettes, je suis sûr que tu vas améliorer nos recettes ! ».
Dette, ONDAM, hôpital et ALD.
Pas grand-chose ne conduisait le fils spirituel de Jacques Chirac à prendre les manettes du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État. Le jeune député-maire de Troyes, ancien journaliste, déjà deux fois ministre (à l’Outre-Mer et à l’Intérieur), n’est ni énarque, ni comptable, encore moins économiste mais avocat, d’où peut-être le franc-parler et la liberté de ton qu’il cultive (il fut porte-parole de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995).
Propulsé à Bercy, François Baroin n’aura guère le temps de temps de réviser ses dossiers. Un plan d’action complet pour réduire drastiquement les dépenses de l’État est attendu lors de la deuxième conférence sur les déficits publics, fin avril. Et sur l’assurance-maladie, Nicolas Sarkozy a fixé les priorités : ramener à l’équilibre tous les hôpitaux publics d’ici à 2012, tenir strictement l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) pour 2010 fixé à 3 % et amplifier cet effort de rigueur dans les années qui viennent.
Dans ce contexte, plusieurs décisions fortes sont attendues cette année. Sous l’autorité de Bercy, un groupe de travail présidé par Raoul Briet, membre de la Haute Autorité de Santé, planche sur les moyens de respecter coûte que coûte l’ONDAM annuel voté par les parlementaires, quitte à prendre des mesures de redressement en cours d’exercice. Une autre commission, pilotée directement par le ministre du Budget, associant le gouvernement et le Parlement, doit proposer avant l’automne des solutions pour rembourser la dette exceptionnelle que la Sécurité sociale a accumulée pendant la crise (27,6 milliards d’euros en 2009…). Cette dette sociale, à laquelle va s’ajouter un nouveau besoin de financement à la fin de l’année, est temporairement portée par l’ACOSS (la banque de la Sécu) mais il est urgent de trouver des mesures de financement pérennes. Enfin, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS discuté à l’automne) se prépare plusieurs mois à l’avance. Là encore François Baroin a du pain sur la planche car il faudra faire des choix. En décembre 2009, dans nos colonnes, Éric Woerth avait posé les questions qui fâchent : « Jusqu’où souhaitons-nous aller dans l’évolution de la répartition entre la Sécurité sociale et les complémentaires ? Quel effort de productivité voulons-nous demander aux hôpitaux publics ? S’agissant des ALD, comment concilier une meilleure prise en charge médicale des malades chroniques et la soutenabilité financière du système ? ». C’est à François Baroin et à ses équipes, désormais, de trouver les réponses.
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