La création de l’État palestinien

Bataille en vue à l’ONU

Publié le 20/09/2011
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Crédit photo : AFP

CENT-NEUF PAYS reconnaissent déjà la Palestine. Elle existe de facto sinon de jure. Une reconnaissance mondiale ne résoudrait pas les diverses et très sérieuses questions (le tracé des frontières, la démilitarisation, la sécurité et le retour des réfugiés) qui restent en suspens. Pour M. Abbas, confronté à l’immobilisme du gouvernement de M. Netanyahou, il s’agit de forcer la main d’Israël en faisant peser de nouvelles menaces sur ce pays : l’existence juridique de l’État palestinien amoindrirait la légitimité de l’État hébreu et augmenterait les pressions pour qu’il lève le blocus de Gaza et ses contrôles en Cisjordanie.

En réalité, les mesures israéliennes de sécurité sont déjà très condamnées. On assisterait à un accroissement de l’«Israel bashing » auquel se livrent les nombreux amis des Palestiniens depuis plus de 60 ans. L’avènement de l’État palestinien, qui n’est pas du tout improbable, serait néanmoins théorique. Ses frontières ne seraient pas définies ; sa souveraineté ne résisterait pas une minute à une attaque terroriste déclenchant des représailles israéliennes ; sa viabilité économique serait douteuse ; son unité ne serait pas obtenue dès lors que la Palestine continuerait à être divisée entre deux entités distinctes : Gaza, dominée par le Hamas, et la Cisjordanie aux mains du Fatah de M. Abbas.

LA CRÉATION DE L’ÉTAT NE RÉSOUDRA PAS LA QUESTION DES FRONTIÈRES

En revanche, l’action que les Palestiniens engagent à l’ONU entraîne des difficultés non négligeables pour les pays occidentaux sommés de l’approuver : aux États-Unis, si Barack Obama envisage d’opposer son veto, c’est parce qu’il est confronté à l’hostilité des républicains qui dénonceraient la « trahison » d’Israël. Le président américain a fait de son mieux, jusqu’à présent, pour montrer que l’Amérique veut se rapprocher du monde arabo-musulman et refuse désormais de l’influencer. Au point qu’il n’a pas pris la tête du soutien au printemps arabe, pour mieux indiquer qu’il mettait un terme aux ingérences américaines dans le destin des peuples de la région.

Des risques considérables.

Les dirigeants actuels d’Israël ont exprimé à plusieurs reprises leur vive hostilité à la démarche de M. Abbas. Ils n’ont pas pris la mesure des changements intervenus depuis le début de l’année dans la région. Ils se contentaient des dictatures en place avec lesquelles ils avaient un pacte, moral ou juridique, de non-agression. Ils n’ont pas vu venir, successivement, la très forte dégradation de leurs relations avec la Turquie, puis avec l’Égypte. Ils ont donc contribué à leur propre isolement et ne comptent plus que sur l’embarras de M. Obama et la prudence des Européens (la France et l’Allemagne ont tenté de dissuader M. Abbas) pour résister au séisme que peut déclencher la création d’un État dont pratiquement personne ne conteste l’existence factuelle depuis de nombreuses années, mais dont le statut doit être négocié, non imposé.

En même temps, et puisqu’ils ne sont pas partie prenante du processus en cours, les Israéliens n’en sont que plus à l’aise pour en dénoncer les risques considérables : personne ne peut dire comment vont évoluer les régimes nés en Tunisie, en Égypte, en Libye, un jour peut-être en Syrie, de la révolution arabe ; tout laisse penser qu’ils seront encore plus intraitables à l’égard d’Israël, comme en témoigne l’attaque d’extrémistes cairotes contre l’ambassade d’Israël en Égypte et les menaces militaires que la Turquie lance contre l’État juif, sous le prétexte que l’ONU vient de publier un rapport selon lequel les torts sont partagés dans l’affaire de la flotille qui tentait de forcer le blocus de Gaza le 31 mai 2010. L’incident avait fait quelque neuf morts, turcs pour la plupart. La Turquie a exigé des « excuses » d’Israël sans reconnaître la part de provocation dans l’attitude d’Ankara. Le langage anti-israélien du Premier ministre turc, M. Erdogan, n’a désormais plus rien à envier à celui du Hamas.

Le printemps arabe représente un immense espoir pour les peuples de la région, mais il se poursuivra dans une instabilité géopolitique accompagnée de provocations intégristes. En d’autres termes, le choix de la voie onusienne fait par Mahmoud Abbas risque d’ajourner encore, et pour longtemps, la négociation indispensable sur les frontières, les libertés, la sécurité et le développement économique. M. Netanyahou espérait arrêter l’action diplomatique palestinienne en proposant, dans l’immédiat, des négociations sans conditions préalables. Encore faut-il qu’une telle proposition ait une chance d’aboutir. M. Abbas veut que la discussion parte de la reconnaissance des frontières de 1967, ce qui n’est pas logique puisque tout le monde sait qu’un échange de territoires est déjà prévu. De même, les Israéliens ne doivent pas à la fois rejeter les conditions palestiniennes et en poser eux-mêmes, par exemple la reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9007