PAR LE Dr BRIGITTE SAMSON*
POUR REMPLIR ses objectifs, la loi de 2007 a prévu la mise en place dans chaque département d’une cellule centralisée de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP). La CRIP vise à rationaliser et à sécuriser le circuit de prise en charge des situations d’enfants susceptibles d’être en danger, le département étant désigné comme chef de file de ce circuit (1).
La CRIP est un des services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), service départemental dont la mission première, obligatoire, est la prévention et la protection de l’enfance.
La majorité des départements se sont dotés d’une CRIP. Le sigle la désignant change selon les départements, ses coordonnées sont habituellement faciles à trouver sur le site Internet de chaque conseil général.
Les CRIP de certains départements ont un médecin permanent, médecin de l’ASE ou de Protection Maternelle et Infantile (PMI), la plupart des autres font appel pour les situations médicales à un pédiatre hospitalier ou à un médecin de PMI.
Face aux difficultés que peuvent ressentir certains professionnels de santé à signaler leurs inquiétudes pour des enfants, le médecin de la CRIP peut être le premier interlocuteur. Les médecins peuvent lui demander conseil et recevoir de l’aide pour la rédaction, si nécessaire, d’une information préoccupante ou d’un signalement.
Qu’est ce qu’une information préoccupante ?
Tout élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger, puisse avoir besoin d’aide, et qui doit faire l’objet d’une transmission à la CRIP pour évaluation et suite à donner. Selon l’origine de l’information, les difficultés d’ordre familial peuvent être de nature et d’intensité très différentes. Après une analyse de premier niveau, la CRIP prendra une décision : soit signalement au Parquet, soit, dans la majorité des cas, évaluation de la situation de cet enfant, réalisée sur le terrain, par une équipe pluridisciplinaire (PMI, ASE, service social). En cas d’hospitalisation de l’enfant, l’observation et l’évaluation conduites à l’hôpital complètent celles des évaluateurs.
La loi de 2007 impose que l’évaluation soit menée avec plus de rigueur. Pour cela, plusieurs départements, dont le Val-de-Marne, sont en train de mettre en place un référentiel d’évaluation diagnostique des situations familiales, pour lequel la formation de tous les professionnels impliqués est en cours.
L’évaluation porte sur plusieurs domaines d’observation : le contexte de vie socioéconomique, culturel et environnemental de l’enfant, sa santé et son développement, la parentalité et l’exercice des fonctions parentales. Puis, elle élabore de façon partagée une stratégie d’accompagnement, formule des hypothèses, caractérise la situation et fait des propositions de prévention ou de protection.
La loi réserve le terme de signalement à la saisine du Procureur de la République.
Le signalement peut être défini comme un acte professionnel écrit, présentant, après évaluation, la situation d’un enfant en danger qui nécessite une protection judiciaire.
Le signalement judiciaire direct est toujours possible, réservé aux urgences graves, c’est-à-dire : en cas de danger avéré et/ou de maltraitance grave, nécessitant un placement de l’enfant en urgence et/ou une enquête pénale. Une copie doit être envoyée à la CRIP.
La saisine de l’autorité judiciaire par le président du Conseil général n’est possible, sauf urgence, qu’à des conditions précises :
– l’enfant est considéré comme un enfant en danger, au titre de l’article 375 du Code civil ;
– et le mineur a fait l’objet d’actions dans le cadre administratif qui n’ont pas amélioré la situation ;
– ou non-adhésion de la famille aux mesures proposées ;
– ou impossibilité de la famille de collaborer avec le service ;
– ou impossibilité d’évaluer du fait de la famille.
Un médecin peut-il envoyer une information préoccupante ou un signalement à la CRIP ?
En théorie non, car le Code pénal (2) ne prévoit de dérogation au secret professionnel pour les médecins qu’en cas de signalement au Procureur de la République.
Mais des protocoles sont établis dans chaque département entre le PCG, le représentant de l’Etat dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l’autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein de la CRIP. Ces protocoles, auxquels est associé le conseil départemental de l’Ordre des médecins, autorisent le plus souvent les médecins à transmettre les informations préoccupantes et les signalements à la CRIP. C’est le cas, dans le Val-de-Marne, depuis 2005.
En pratique, dans les situations inquiétantes mais non urgentes, il est plus facile de dire à un enfant et à ses parents : « je suis inquiet, car… Je vais transmettre mes inquiétudes (donc une information préoccupante) à la CRIP ». Parler de « signalement » fait souvent très peur aux familles (crainte de placement). Le médecin peut de plus préciser qu’une aide pourra être apportée après l’évaluation.
Dans tous les cas, ce qui prime, c’est l’obligation de porter assistance à personne en danger. Aucune exemption n’est prévue. Obligation d’agir : devoir d’ingérence. En cas de maltraitance, le médecin doit intervenir lui-même ou provoquer une intervention extérieure, par exemple en hospitalisant l’enfant (mis à l’abri) et en prévenant l’équipe hospitalière
Dans notre expérience, la mise en place d’une cellule centralisée de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes, telle que prévue par la loi, est une aide pour mieux appréhender la situation des enfants concernés dans toute leur complexité. Une évaluation de son efficience, dans le respect de l’éthique, pourra permettre de progresser dans la protection des enfants, tout en respectant le droit des familles. La prééminence de la protection administrative sur la protection judiciaire renforce la place des parents, mais sans oublier l’intérêt supérieur de l’enfant.
(1) Code de l’action sociale et des familles L226-1_L226-13.
(2) Code pénal Article 226-14.
* Pédiatre, Pôle enfance et famille, direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse, cellule signalements, urgences, observatoire – Santé des mineurs confiés à l’ASE, Créteil.
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