LE RAPPORT ne s’intéresse pas aux Français qui sollicitent une seconde nationalité tout en conservant la première. Il ne vise que les personnes descendantes d’immigrés qui ont obtenu la nationalité française par la naissance sur le sol français, par le mariage ou par naturalisation. La première remarque est qu’un minimum d’équilibre aurait dû conduire le rapporteur à se poser des questions sur le patriotisme des Français qui, par convenance personnelle, ont acquis une autre nationalité sans abandonner la précédente. Il y a donc, dans le document, la volonté de cibler des catégories précises de la population, celles dont l’origine est africaine ou maghrébine, puisque l’Union européenne ne saurait accepter qu’il soit mis un terme à la double nationalité éventuelle des personnes appartenant à deux États membres. L’exercice est à la fois limité et quelque peu hypocrite. On en revient, évidemment, à durcir les conditions dans lesquelles des personnes nées françaises, mais descendant d’immigrés du continent africain peuvent garder leur statut de citoyen français.
Le gouvernement n’en veut pas.
La deuxième remarque concerne la futilité du projet. L’idée du rapport a été lancée avec l’assentiment de quelques socialistes, dont Manuel Valls, qui ne souhaitait pas étouffer ce débat particulier et reconnaît un affaiblissement du sentiment d’appartenance à la nation. Par la suite, l’opposition n’a guère participé à la rédaction du document, présenté par « Libération » comme le travail exclusif de Claude Goasguen. Mais la majorité n’est pas favorable non plus à l’ouverture d’une discussion parlementaire sur le sujet. Le gouvernement l’a fait savoir il y a quelques jours. De sorte que le débat va inquiéter toutes sortes de gens qui ne le méritent guère. Il y a les populations auxquelles pense M. Goasguen, principalement celles qui refusent l’assimilation, mais il y a aussi des personnes que le hasard affectif ou professionnel, ou simplement le goût du voyage et de l’exotisme, ont conduites vers des rivages où elles ont pris souche sans jamais abandonner leur langue maternelle et leur attachement à leur pays d’origine. Un seul exemple : les propositions de M. Goasguen visent les Américains qui vivent en France ? Dans ce cas, le choix impératif entre les deux nationalités aurait un effet destructeur. Ces binationaux, comme les Français résidant aux États-Unis, jouent un rôle essentiel pour la compréhension entre deux pays dont l’intérêt l’un pour l’autre est très vif mais est souvent empoisonné par des malentendus divers. M. Goasguen n’a sûrement rien contre les Franco-Américains ou les Américano-Français, mais au nom de quoi devrait-il les affranchir du durcissement des mesures qu’il préconise ?
LA DISTANCE QUI SÉPARE DES MESURES COLLECTIVES ET LE SORT PARTICULIER DES INDIVIDUS
L’exemple de Semprun.
On voit là la distance qui sépare l’adoption de dispositions collectives et le sort particulier de certains catégories ou même de simples individus. Il existe une culture cosmopolite à laquelle les totalitarismes n’ont cessé de faire grief alors qu’elle contribue énormément à la lucidité des gens et à la relativisation des différends. Les amis de Jorge Semprun, décédé il y a quelques jours, ont souligné, parfois en des termes émouvants (comme ceux de Jean Daniel), son attachement à l’Espagne et à la France, à l’espagnol et au français (il écrivait dans les deux langues) et l’importance qu’il accordait à la culture et à la langue allemandes bien qu’il ait été déporté à Buchenwald et que sa compassion pour les victimes de la Shoah n’eût d’égale que son aversion pour le nazisme. Allons-nous faire des lois qui empêcheraient l’éclosion d’esprits humanistes de cette qualité? Faut-il construire des barrières culturelles entre la France et le reste du monde ? Allons-nous rejeter les romans inspirés à Hemingway par ses séjours en France ? Ou à Picasso sa qualité de génie français de la peinture né en Espagne ? Pis : allons-nous exiger de tous ceux qui, issus d’ascendants nés au Maghreb ou en Afrique, qu’ils choisissent entre la France et l’ailleurs, au risque de perdre leur talent et la production tangible qu’ils nous ont déjà léguée dans le cinéma, la littérature et dans les entreprises ? À une France recroquevillée sur elle-même, on préférera une France ouverte à tous les courants.
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