Premiers consultés par les malades, les médecins de ville sont en première ligne face au risque d’épidémie de coronavirus (SARS-CoV2). Quelle conduite à tenir face aux patients ? Quelles précautions adopter pour se protéger d’une éventuelle contamination ?… « Le Quotidien » compile les recommandations des pouvoirs publics pour les soignants confrontés à la crise du coronavirus.
Que sait-on sur le virus SARS-CoV2 ?
La durée d’incubation du virus est de 2 à 14 jours (en moyenne 3 à 7 jours). Des publications suggèrent que cette période pourrait être supérieure à 14 jours, mais le niveau de preuve est jugé insuffisant à ce jour.
Les premiers signes cliniques sont : toux, fièvre (supérieure à 38°), fatigue, dyspnée, anorexie, rhinorrhée, myalgies, céphalées, pharyngite. D’autres signes peuvent apparaître comme vomissements, diarrhée, céphalées, vertiges, conjonctivite. Les données épidémiologiques mettent en lumière un spectre clinique de l’infection étendu, allant de formes asymptomatiques jusqu’aux formes graves avec décès. La symptomatologie respiratoire reste au premier plan. Les formes sévères représentent 13 à 17 % et la létalité est de 2 à 3 % des cas déclarés en Chine.
Selon le Centre européen de contrôle et prévention des maladies infectieuses (ECDC), le risque de propagation du SARS-CoV2 est considéré comme faible en France à la date du 20 février, si les cas confirmés sont détectés précocement et que des mesures de contrôle adéquates sont mises en place immédiatement. Ce niveau de risque peut cependant évoluer en fonction de la situation.
Source : « Préparation au risque épidémique Covid-19 »
Qu'est-ce que le stade 2 de gestion de l'infection au coronavirus ?
Cela correspond à une situation épidémique où il n'y pas de circulation active du virus mais seulement des cas sporadiques. Des clusters peuvent apparaitre et font l’objet de mesures de prise en charge spécifiques. La stratégie sanitaire consiste à freiner l’introduction du virus sur le territoire national et de freiner sa propagation par des mesures d’endiguement. Le stade 3 correspond au stade épidémique, où la circulation du virus est active et où la logique de prise en charge individuelle est dépassée.
Comment repérer un patient cas suspect Covid-19 ?
Tant que la France se trouve au stade 2 de la gestion de l'infection Covid-19, il est recommandé aux patients présentant des signes d’infection respiratoire et habitant dans une zone où circule le virus, ou dans les 14 jours suivant le retour d’une zone où circule le virus, de contacter directement le 15 et de ne pas se rendre chez leur médecin traitant. Néanmoins, les généralistes doivent se préparer à l'éventualité d'accueillir un patient cas suspect dans leur cabinet.
Selon le document établi par la mission COREB nationale (coordination opérationnelle risque épidémique et biologique), un patient cas suspect Covid-19 est un patient présentant de la fièvre et/ou des signes cliniques d’infection respiratoire aiguë ET ayant séjourné (dans les 14 jours précédant les symptômes) dans une zone d’exposition à risque ou ayant été en contact étroit (*) avec une personne cas confirmé ou cas possible. Au 27 février, les zones d’exposition à risque sont : Chine, Hong Kong, Macao, Singapour, Corée du Sud, Iran, Italie. Cette liste susceptible d’évoluer est à consulter sur le site de Santé Publique France
Si le patient n’a pas été exposé à un risque identifié, mais qu’il présente des signes de détresse respiratoire aiguë allant jusqu’au SDRA, sans étiologie apparente, il doit être considéré comme un cas suspect.
(*) La définition d’un contact étroit inclut tout contact à partir de 24 heures précédant l’apparition des symptômes d’un cas confirmé de Covid-19.
Comment prendre en charge un patient cas suspect ?
Dès qu’un patient suspect a été identifié, en consultation au cabinet ou lors d’une visite à domicile, le médecin doit prendre des mesures de précaution immédiates : frictions des mains avec des solutions hydro-alcooliques puis port du masque chirurgical, pour le soignant et le patient. Il ne doit pas y avoir de contact physique, ni de geste médical ou de traitement symptomatique, avant l’application de ces mesures, en l’absence d’urgence vitale.
La direction générale de la Santé demande à tous les professionnels de santé prenant en charge un patient suspect d’infection Covid-19 de prendre contact avec le SAMU-Centre 15 pour analyse et classement en lien avec l’infectiologue référent. Les autorités insistent sur le fait qu’il ne faut pas orienter d’emblée un patient vers les urgences afin d’éviter le contact avec d’autres patients.
Voir les consignes officielles.
Faut-il isoler un patient cas suspect avant sa prise en charge par le 15 ?
Devant toute suspicion d’infection par Covid-19, le médecin doit isoler le patient par tout moyen : box de consultation dédié, local isolé d’une salle d’attente, pièce du domicile identifiée comme la plus à l’écart (consignes officielles). Si cet isolement géographique n’est pas possible, ce qui peut être le cas dans un cabinet libéral, il est impératif que les autres patients ou personnes potentiellement « contacts » soient éloignés du lieu d’attente ou de prise en charge du patient suspect.
II convient dès lors de recenser les personnes présentes afin d’évaluer le risque de contact en cas de confirmation de l’infection. Le SAMU Centre 15 organisera le transport du patient vers un établissement de santé habilité pour le Covid-19. Par mesure de précaution, le médecin doit désinfecter le matériel médical (stéthoscope,…) utilisé pour la prise en charge du patient suspect.
Faut-il porter un masque de protection en consultation ?
Les médecins sont invités à porter un masque antiprojections dit « chirurgical » uniquement s’ils portent secours à un malade testé positif au SARS-Cov2 ou en cas de contact avec une personne présentant des signes d’infection respiratoire.
La consigne est d’adopter le principe du double masque, où soignant et patient sont équipés. En l’absence d’acte invasif, cela « permet de limiter l’exposition des soignants aux gouttelettes potentiellement infectieuses du patient », précise la Direction générale de la Santé. Les autorités sanitaires recommandent également aux médecins de disposer de gants non stériles à usage unique, de lunettes de protection (à utiliser pendant un soin exposant, comme des soins respiratoires), et d’un thermomètre sans contact ou à usage unique.
Voir les consignes du ministère de la Santé sur le port du masque.
Comment se procurer des masques chirurgicaux ?
Chaque médecin est invité à retirer auprès de sa pharmacie locale une boîte de 50 masques chirurgicaux. Il lui suffit de présenter sa carte professionnelle au moment du retrait (lire les consignes de la DGS). Il peut renouveler l’opération autant de fois que nécessaire. La DGS compte sur « la déontologie et le civisme de chaque professionnel de santé » pour permettre à chacun de bénéficier de sa dotation.
Les livraisons de masques chirurgicaux en officines ont commencé durant la première semaine de mars, selon les déclarations officielles des pouvoirs publics. Chaque pharmacie doit recevoir un minimum de 10 boîtes de 50 masques. Pour faire face à ces besoins, le gouvernement a annoncé avoir constitué un « stock État » et assure avoir réquisitionné tous les stocks et productions à venir disponibles en France. Pour éviter la pénurie, le gouvernement a demandé aux pharmacies de ne plus les délivrer à des particuliers sans ordonnance.
Faut-il porter un masque chirurgical ou de type FFP2 ?
Les syndicats de médecins réclamaient des masques de protection respiratoire individuelle (FFP2) pour équiper les médecins de ville. Ce n’est pas l’option retenue par la DGS qui recommande de réserver ces accessoires aux personnels hospitaliers « en contact étroit et prolongé avec des cas confirmés et qui réalisent des gestes médicaux à risque ».
Les masques FFP2 (filtering facepiece particles) sont efficaces contre l’inhalation d’agents infectieux transmissibles par voie aérienne grâce à un filtre et à une meilleure étanchéité au visage. Sa durée de protection varie entre trois et huit heures (selon préconisation du fabricant), mais il est difficilement supporté au-delà de quelques heures.
Lors d'un point presse organisé cette semaine, le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, a tenu à rassurer les soignants sur l'efficacité des masques chirurgicaux antiprojections. Selon lui, ces masques sont aussi efficaces que les masques FFP2, pour empêcher la contamination par voie gouttelettes. « Ce n'est pas moi qui le dis, c'est une étude parue dans le "JAMA" », a insisté le Pr Salomon. La question de la contamination par voie aérienne, contre laquelle les masques FFP2, n'est pas évoquée par le médecin.
Quelle est la durée de vie d’un masque dit « chirurgical »?
Elle dépend des préconisations des fabricants. Le masque est à usage unique. Il doit être jeté dès qu’il est mouillé ou souillé, dans une poubelle si possible équipée d’un couvercle et munie d’un sac plastique doublé. L’élimination se fait par la filière des ordures ménagères. Il est impératif de se laver les mains après usage ou de se désinfecter avec une solution hydro-alcoolique.
Un médecin peut-il se procurer des tests Covid-19 ?
Non. À ce jour, il n’existe pas de test rapide à disposition des médecins de ville. Les prélèvements respiratoires naso-pharyngés, sanguins ou de selles doivent obligatoirement être effectués au sein d’un établissement habilité pour le Covid-19. Le Centre National de Référence (CNR) des virus respiratoires dispose d’un test spécifique (RT-PCR) pour le diagnostic d’infection à Covid19, progressivement mis à disposition de ces établissements.
Un médecin placé en quarantaine est-il indemnisé ?
La question de l'indemnisation des professionnels de santé contaminés ou confinés a été abordée lundi dernier lors d’une réunion entre la DGS et les représentants des professionnels de santé et en présence de Nicolas Revel, directeur général de la CNAM. Selon plusieurs syndicats de médecins libéraux contactés par « Le Quotidien », le patron de la CNAM a assuré aux libéraux « qu'il y aurait des indemnités journalières ouvertes aux professionnels de santé sans délai de carence ».
Mise à jour : La CSMF apporte des précisions sur le sujet : « Pour les médecins en arrêt maladie à cause du coronavirus, une carence de trois jours s’appliquera. Par contre pour les médecins qui ont dû respecter une période d’isolement, ou qui doivent garder leur enfant en raison d’une période d’isolement, il n’y aura pas de délai de carence. Le niveau des indemnités journalières attribuées est de 112 €. »
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