Covid-19 : quelques lieux publics « superspreaders » impliqués dans les transmissions en zone urbaine, selon une modélisation mathématique

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Publié le 13/11/2020
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Crédit photo : AFP

Une minorité de lieux publics dans les grandes villes serait à risque élevé de diffusion de Covid-19, une donnée à prendre en compte dans les stratégies de déconfinement, met en évidence une étude américaine publiée ce 10 novembre dans « Nature ». Les enseignements ne manquent pas de faire écho à la situation française, où les commerces devront attendre au mieux le 1er décembre pour espérer pouvoir rouvrir, tandis que les bars et restaurants devraient eux, rester fermés.

L'originalité de l'étude de Serina Chang et al. tient en ce qu'elle se base sur les données des téléphones portables de quelque 98 millions de personnes. Le principe est d'identifier leurs allers et venues entre le quartier d'habitation et des lieux publics (restaurants, magasins, établissements religieux), et ceci dans 10 métropoles américaines, entre le 1er mars et le 2 mai. Les chercheurs ont ensuite utilisé la modélisation mathématique SEIR (qui classe les populations entre sains, exposés, infectés et retirés), afin de produire des hypothèses sur les voies de transmission du virus et les stratégies d'endiguement. Les paramètres ont été ajustés au nombre réel de nouvelles infections quotidiennes.

Restaurants de loin les plus risqués

La modélisation révèle qu'une minorité de lieux publics seraient hyper-contaminants (« superspreaders »). Par exemple, à Chicago, 10 % des lieux de rassemblement seraient à l'origine de 85 % des infections.

Les chercheurs ont ensuite testé différents types de déconfinement, notamment en regardant par classe d'établissements. Les plus à risque se révèlent être les restaurants ouverts à temps plein, dont un déconfinement sans mesure de précaution aurait provoqué 600 000 infections supplémentaires en un mois, soit plus du triple d'autres lieux à risque comme les salles de fitness, les cafés et bars, les hôtels ou encore les églises.

Des pistes pour adapter les stratégies de déconfinement

Selon la modélisation, déconfiner totalement conduirait à un pic d'infection, qui se traduirait par exemple à Chicago par une augmentation de 32 % des infections en un mois.

En revanche, réduire le taux d'occupation des lieux permettrait de réduire le risque significativement, sans supprimer toute vie sociale. Ainsi, restreindre de 20 %
la jauge maximale ferait chuter les nouvelles infections de 80 % (par rapport à une réouverture en pleine capacité) tout en diminuant de 42 % seulement les visites, et donc, aurait le bénéfice d'un moindre coût économique.

Disparités démographiques

Bien qu'elle ne s'appuie pas sur des données démographiques, la modélisation fait ressortir des taux d'infection plus forts dans les groupes sociaux défavorisés et les minorités ethniques. Les chercheurs avancent deux hypothèses : ces publics ont continué à se déplacer malgré le confinement, et en particulier dans des lieux plus risqués (souvent bondés).

Les chercheurs invitent à tenir compte de ces enseignements dans les stratégies de déconfinement qui doivent être ciblées. Ils insistent notamment sur la limitation des taux d'occupation des lieux publics, la réduction de la densité de population dans les magasins, l'accès aux tests dans les quartiers à risque, la possibilité pour les travailleurs de première ligne de s'isoler et le renforcement des mesures de protection sur le terrain.

Malgré certaines limites de ce travail (qui mesure mal le rôle des écoles, des crèches ou des prisons en raison de l'absence de données téléphoniques), « ce type de modélisation qui intègre les données de mobilité à des systèmes de surveillance épidémiologique devrait se développer en routine et nourrir les stratégies politiques pour réussir le déconfinement », commentent dans un édito Kevin Ma et Marc Lipsitch du département d'immunologie de d'infectiologie de l'École de santé publique de Harvard.


Source : lequotidiendumedecin.fr