CES JOURS-CI, la justice ne reçoit que des louanges car, pour échapper à toute accusation de collusion avec le pouvoir, les magistrats se montrent intraitables dans leurs enquêtes, n’épargnant aucun homme fort, ni dans l’affaire Woerth-Bettencourt, ni dans celle des ventes de sous-marins au Pakistan. M. Van Ruymbeke n’a jamais fait partie, il est vrai, des juges soupçonnés de complaisance, ce qui, parfois, lui a causé des désagréments. Dans l’affaire de Karachi, il a donc interrogé Dominique de Villepin, qui clamait partout en ville qu’il voulait témoigner. Qu’a dit ce témoin ? Il a confirmé ce qu’il criait haut et fort sur les plateaux de télévision, à savoir que, à son avis, mais il n’en a pas la preuve, des rétrocommissions ont été versées à des hommes politiques français. Suivez son regard : il désigne, sans la nommer, la campagne électorale d’Édouard Balladur en 1995, à l’époque où Nicolas Sarkozy était le porte-parole de la même campagne. L’ancien Premier ministre a toutefois ajouté qu’il ne voyait aucun lien entre la suppression des commissions par Jacques Chirac en 1996 et l’attentat de Karachi en 2002 (soit plus de six ans plus tard), qui s’est traduit par la mort de 11 ingénieurs français.
Le pouvoir ne fait pas ce qu’il dit.
M. de Villepin est crédible. Le soupçon de rétrocommissions est étayé par diverses informations publiées par la presse. « Le Monde » de jeudi dernier a raconté par le menu la séance du Conseil constitutionnel qui a abouti à la validation fort peu enthousiaste des comptes de la campagne de M. Balladur. Les membres du Conseil voulaient éviter des réclamations qui auraient soulevé une tempête dans les autres partis politiques. Ils auraient préféré poser le couvercle sur l’autoclave. Par conséquent, on imagine que la campagne de M. Balladur a reçu un blanc-sein immérité, notamment à cause d’un versement en liquide de 10 millions de francs pour lequel M. Balladur, qui se contente pour le moment d’exciper de la validation du Conseil, ne donne pas vraiment d’explication. Quant à croire que la suppression des commissions versées aux intermédiaires pakistanais aurait entraîné l’attentat de Karachi, sorte de sanction contre le gouvernement français, cela revient à penser que la vengeance est un plat qui se mange congelé.
La presse souligne en outre, avec force détails, que chaque fois que M. Sarkozy ou l’un de ses ministres affirment que le secret-défense sera levé dès que la justice exigera un document, Matignon ou le ministère concerné traînent des pieds, ergotent, louvoient et retardent la procédure. Le président Bernard Accoyer refuse une nouvelle enquête parlementaire. François Fillon n’a pas voulu, au moins, dans un cas de procédure, lever le secret-défense.
UNE AFFAIRE VIEILLE DE 15 ANS RÉACTIVÉE POUR PESER SUR LA CAMPAGNE 2012
On note donc une distance considérable entre les propos que tient le président de la République et la fausse diligence de ses services. Cette attitude est délétère parce qu’elle renforce les soupçons : s’ils ont des choses à cacher, c’est que ces choses sont graves. Toutefois, si la vérité n’est ni dans leurs propos, elle n’est pas nécessairement dans ceux qui accusent le pouvoir. Les uns veulent éviter une nouvelle crise (Dieu sait que nous n’en avons pas manqué au cours de ce quinquennat) avant les élections de 2012. Les autres ne pensent qu’à détruire ce qu’il reste à la majorité de crédibilité avant ces élections, font un tintammare assourdissant, comme Corinne Lepage, ex-UDF, défenseure de l’écologie et présidente de Cap 21, qui fut la première à exiger qu’Éric Woerth passe devant la Cour de justice de la République à propos de l’hippodrome de Compiègne, tout en se défendant de vouloir sa perte. Comme hypocritement ces choses-là sont dites ! On espère seulement que le public n’est pas dupe de ce genre de prise de position, uniquement au service d’une ambition personnelle et pas forcément par amour de la vérité. Bien entendu, il ne s’agit pas d’exonérer M. Woerth s’il a eu, en tant que ministre, des complaisances pour des particuliers. Ni d’exonérer M. Balladur sans autre forme de procès, et pas davantage Nicolas Sarkozy. Mais qui ne ressentirait un malaise quand une affaire vieille de 15 ans (ou de huit, si l’on se réfère à l’attentat de Karachi) est réactivée à point nommé pour peser sur une campagne électorale d’autant plus précoce que le quinquennat a raccourci, de façon extraordinaire, le temps politique ? Qui ne voit que, entre la fréquence des accusations et la lenteur de la justice, le fossé est assez large pour que la recherche apparente de la vérité se traduise par le harcèlement de M. Woerth, dont le supplice aujourd’hui est peut-être disproportionné par rapport à ce qu’on lui reproche et que l’on n’a pas encore prouvé ?
Le pire, c’est que l’on est assuré d’avoir la crise, le discours de haine, la violence verbale et les accusations les plus folles mais que l’on n’a aucune garantie au sujet de la manifestation de la vérité.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque