Que faut-il penser de la décision du Conseil d'État dans l'affaire d'indemnisation d'une infirmière atteinte d'une myofasciite à macrophages rapportée à l'aluminium contenu dans les vaccins obligatoires reçus dans le cadre professionnel ?
Pour l'association E3M (Entraide aux malades de myofasciite à macrophages), favorable à la vaccination mais opposée à la présence d'aluminium, la réponse est nette : en cassant la décision de la cour d'appel qui avait tranché en faveur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), le Conseil d'État « confirme le lien entre aluminium vaccinal et myofasciite à macrophages ». En se penchant de plus près sur l'avis, qui porte plus sur la forme que sur le fond, la réalité n'est pas exactement celle-là.
Commençons par un rappel des faits. En 2017, madame L. demande à l'Oniam de lui verser une somme de 1 241 746,93 euros ou, subsidiairement, un capital de 57 330 euros et une rente annuelle de 19 110 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des vaccinations imposées dans le cadre de ses activités professionnelles entre 1992 et 2002. Le 22 juin 2017, le tribunal administratif de Caen condamne l'Oniam à lui verser un capital de 367 418,29 euros et une rente annuelle de 9 911 euros. Mais le 26 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes annule ce jugement, ce qui a été confirmé par un rejet du pourvoi en cassation.
Une « erreur de droit »
Dans ses conclusions, la rapporteuse du Conseil d'État ne se prononce pas sur l'existence ou non d'un lien entre sels d'aluminium et maladie, mais dénonce une « erreur de droit ». La cour administrative d'appel s'est d'ailleurs appuyée sur les travaux de l'Académie nationale de médecine, du Haut Conseil de la santé publique, de l'Académie nationale de pharmacie et de l'Organisation mondiale de la santé, tous… unanimes en ce qui concerne l'absence de lien de causalité avéré « entre l'administration de vaccins contenant des adjuvants aluminiques et différents symptômes constitués de lésions histologiques de myofasciite à macrophages, de fatigue chronique, douleurs articulaires et musculaires et de troubles cognitifs ».
« Pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, il appartenait à la cour, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration d'adjuvants aluminiques et les différents symptômes attribués à la myofasciite à macrophages était ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, qu'il n'y avait aucune probabilité qu'un tel lien existe », peut-on lire dans la décision. Il fallait, dans un premier temps, prouver que l'on pouvait exclure totalement l'absence de lien entre la pathologie et la vaccination, chose difficile à envisager d'un point de vue scientifique.
Un litige individuel qui ne remet pas en cause la vaccination collective
Contacté par « Le Quotidien », le Conseil d'État précise : « Le raisonnement est différent selon que l’on soit face au cas individuel d’une personne qui a développé une pathologie postérieurement à une vaccination et pour laquelle on se demande s’il y a un lien entre l’une et l’autre, ou que l’on soit dans le cadre d’une analyse globale des risques liés à un vaccin pour l’ensemble de la population à laquelle on va l’administrer. »
Selon le Conseil d'État, l'approche adoptée par la cour d'appel se défendrait pour apprécier la légalité de l'obligation vaccinale sur le plan collectif où l'absence de lien de causalité constitue un argument fort. Mais, au niveau individuel, il aurait fallu procéder à un raisonnement en deux étapes : d'abord, examiner si tout lien entre la vaccination et la pathologie peut être scientifiquement exclu dans l'absolu. Puis, si tel n'est pas le cas, vérifier s'il existe des éléments permettant de rattacher la pathologie au vaccin (apparition postérieure, délai compatible, etc.).
L'affaire va maintenant être à nouveau jugée par la cour administrative de Nantes, tenue d'appliquer les dispositions du Conseil d'État pour juger de la validité du jugement remis en première instance. Pour sa part, l'Oniam est condamnée à verser la somme de 3 000 euros à la plaignante afin de rembourser ses frais de justice administrative.
Une longue série d'affaires
Cette affaire n'est pas la première du genre. En mai 2016, la cour administrative d'appel de Lyon avait reconnu le lien entre la vaccination contre l'hépatite B, réalisée 23 ans auparavant chez une auxiliaire de puériculture de l'Isère, et la myofasciite à macrophages dont elle souffre et qui lui avait valu un arrêt de travail non indemnisé depuis 2010.
En mars 2013, le tribunal administratif de Pau avait reconnu l'origine professionnelle d'une myofasciite à macrophages chez une aide-soignante, soutenue par l'association de patients E3M. En 2014, c’est l'État qui était condamné à verser 2,4 millions d'euros à une ancienne infirmière ayant déclaré une sclérose en plaques après des injections de vaccin contre l'hépatite B reçues à partir de 1991. En 2016, en revanche, un non-lieu était rendu dans une autre enquête sur le vaccin contre l'hépatite B mis en cause dans l'apparition de certaines maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques (SEP), après 17 ans d'instruction. Le tribunal concluait à l'absence de « causalité certaine », ne retenant pas de « faute d'imprudence ou de négligence ».
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