80 jours pour un ophtalmologiste, 61 jours pour un dermatologue et 50 jours pour un cardiologue. Ce sont les trois spécialités pour lesquelles les délais d'attente sont les plus longs en France, indique la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES, ministère) dans une étude fouillée. « Le Quotidien » a recueilli les réactions des syndicats et représentants de ces médecins spécialistes.
Chez les 5 500 ophtalmologistes (dont une majorité de libéraux), la moitié des rendez-vous est obtenue en 52 jours, grâce à la mise en place de la délégation de tâches et de protocoles organisationnels avec les orthoptistes, estime le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF). « 25 % des demandes de rendez-vous aboutissent dans les 20 jours et la moitié en moins de deux mois. Ce sont des résultats encourageants, mais il existe encore des disparités selon la zone géographique : à Paris, les délais sont de 29 jours alors qu’ils peuvent être de 97 jours dans les communes de petits et moyens pôles », souligne le Dr Thierry Bour, président du SNOF.
Les demandes de rendez-vous concernés ont pour motif un contrôle périodique. Si le motif est plus grave, les délais se réduisent (environ 20 jours). « Nous sommes attachés à adapter les délais de rendez-vous aux besoins des patients. Cela passe par la formation des secrétaires à la gestion des demandes et des logiciels de prise de rendez-vous en ligne pour optimiser les demandes de soins non programmés », indique le chef de file des ophtalmos. Surtout, il faut ouvrir le nombre de postes formateurs de médecins dans la spécialité, estime le SNOF. « Cette année, il n’y a eu que 155 postes ouverts alors qu'un médecin sur deux partant à la retraite n’est pas remplacé », regrette le Dr Bour.
La solution des assistants
Côté cardiologues (6 600 spécialistes dont un gros tiers libéraux), le Dr Jean-Pierre Binon, président du Syndicat national des spécialistes des maladies du cœur et des vaisseaux (SNSMCV), n'est pas « étonné ». « Cette durée moyenne (50 jours) est en adéquation avec des enquêtes que nous avions déjà menées pour les rendez-vous non urgents. Nos effectifs sont bas, et, en face la demande de soins cardiologiques explose : la population est plus nombreuse, plus âgée, plus touchée par les pathologies chroniques comme le diabète, analyse le Dr Binon. Le recours aux cardiologues est de plus en plus fréquent, par exemple en cancérologie. »
Face à cette forte demande, la spécialité est dans un creux démographique : 300 médecins partent à la retraite par an, pour près de 180 internes formés (qui ne s'installent pas tous en libéral ensuite). Le syndicat plaide donc pour plus de médecins formés, mais aussi pour une revalorisation et une simplification de l'exercice libéral. « Il faut plus de regroupements, mais aussi plus de délégations de tâches sous notre responsabilité, comme dans le modèle des assistants médicaux (prise de constantes, gestion du dossier patient, suivi du parcours de soins) », expose le Dr Binon.
Priorités à la formation
Un modèle également envisagé par les dermatologues (3 800 spécialistes, 2 000 libéraux) pour réduire les délais d'attente. Le Syndicat national des dermatologues vénérologues (SNDV) a récemment proposé la création d'un assistant médicotechnique. « En fait, cela se fait déjà, complète le Dr Nicole Cochelin, élue FMF de l'URPS Bretagne. Pour enlever une verrue, enlever des pansements, il n'y a pas besoin du médecin, et une infirmière peut tout à fait réaliser une biopsie. »
La dermatologue bretonne n'est absolument pas étonnée des chiffres de la DREES, au vu de la démographie de la profession. « Je pense que dans certains territoires ruraux ou tendus, c'est même bien plus, assure le Dr Cochelin. J'aimerais pouvoir donner des rendez-vous en décembre ! Or je serai bientôt seule dans un rayon de 20 kilomètres, donc je priorise : je ne vois plus les verrues plantaires ou les molluscums (pustules bénignes), en revanche je réserve des plages pour les urgences, comme les mélanomes à enlever rapidement. »
Autres solutions pour faire baisser les délais d'attente : la télémédecine, l'éducation des patients, afin qu'ils puissent savoir s'ils sont « à risque » ou pas, mais aussi un nombre plus important d'internes formés, selon l'élue FMF. En 2018, 95 postes ont été ouverts en dermatologie vénérologie à l'internat, contre 90 l'année précédente.
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