L'Assemblée nationale a adopté le 1er décembre la proposition de loi socialiste visant à étendre le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) au numérique, au terme de plus de six heures de débats dans un Hémicycle clairsemé. À main levée, les députés de gauche et une majorité de centristes ont voté pour le texte légèrement amendé, tandis que la droite et le FN ont voté contre, après avoir tenté de faire barrage par tous les moyens (motion de rejet, amendement de suppression, et près de 80 amendements défendus l'extrême droite, Jacques Bompard et Marion Maréchal Le Pen vilipendant une « culture de la mort » pour le premier, un « texte complètement délirant » pour la seconde).
Liberté d'expression vs accès à un droit fondamental
À droite, les députés ont dénoncé une attaque contre la liberté d'expression. « Ce texte flirte avec le délit d'opinion », a lancé Christian Kert (LR), indiquant que son groupe saisirait le Conseil constitutionnel en cas d'adoption définitive de la loi.
Philippe Gosselin a pour sa part accusé la gauche de vouloir faire diversion avec une telle proposition de loi, qui plus est examinée en procédure d'urgence. « Vous voulez masquer vos échecs », a enchéri Yannick Moreau.
La gauche, essentiellement représentée par la rapporteure de la proposition de loi Catherine Coutelle, la présidente de la commission des affaires sociales Catherine Lemorton, et la ministre aux Droits des femmes Laurence Rossignol, a réfuté toute entaille à la liberté d'expression. « Il ne s'agit pas d'interdire ; il n'est pas question de liberté d'expression, ni de censure de contenus en ligne, mais de protection » et d'accès à un droit fondamental, a déclaré Catherine Coutelle.
La présidente de la délégation aux droits des femmes a souligné l'importance de compléter la définition du délit d'entrave à l'IVG eu égard aux réalités actuelles : à savoir que 57 % des femmes et 45 % des hommes passent par Internet pour s'informer sur ce sujet. Et 80 % pensent que les informations qu'ils y trouvent sont fiables. « La liberté d'opinion n'est pas le droit aux mensonges », a cinglé Laurence Rossignol, en dénonçant des sites Internet qui imitent l'ergonomie de sites officiels pour faire pression sur les femmes ; et qui diffusent des numéros verts au bout desquels se trouvent des militantes prolife, et non des professionnelles.
Catherine Lemorton a réinscrit l'extension du délit d'entrave dans son histoire : créé en 1993 pour lutter contre les commandos qui empêchaient les patientes d'accéder aux centres IVG, il a été étendu en 2014 aux droits à l'information. « Notre majorité fait le choix du réel en luttant désormais contre l'entrave sur Internet », a-t-elle expliqué, non sans condamner les injures proférées par l'opposition en commission des affaires sociales.
Vers des testings
Interrogée par le centriste PhilippeVigier sur les modalités concrètes de l'application du délit d'entrave, qui peut aller jusqu'à une peine de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, Laurence Rossignol a indiqué que des associations pourront mener des campagnes de testing, qui pourraient déboucher sur des poursuites à l'encontre de ces pseudo-cellules téléphoniques. Des femmes qui auraient été trompées par les sites, ou victimes de pressions, voire de harcèlement, pourraient aussi se retourner contre ces derniers, a-t-elle ajouté. « Chacun peut dire ce qu'il veut mais nous condamnons la manipulation et la tromperie. Les sites ne seront pas fermés, on ne les forcera pas à dévoiler leurs combats. Mais les associations pourront les attaquer », a martelé la ministre. Elle s'est dite confiante en la constitutionnalité de cette loi, se référant à une jurisprudence du 18 janvier 1995 qui consacre le droit d'expression collective des idées en admettant que des limites existent, lorsqu'elles sont justifiées et raisonnables.
La proposition de loi sera discutée au Sénat le 7 décembre.
Le Haut Conseil à l'Égalité a applaudi son adoption par l'Assemblée en saluant un nouveau progrès pour garantir l'accès de toutes les femmes à leurs droits.
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