› DE NOTRE CORRESPONDANT
LE DERNIER PATIENT de la journée est sorti de la salle. En moyenne, depuis sa mise en fonctionnement à la fin 2012, trois personnes passent dans ce bloc opératoire unique en Europe. Le Dr Antoine Lucas, un des neuf chirurgiens qui y intervient, joue volontiers le guide. Plutôt fier de montrer ce qui rend exceptionnelle cette salle et d’expliquer en quoi elle est un aboutissement. « Actuellement en France, il existe d’autres salles hybrides, qui permettent comme ici de réaliser de la chirurgie cardiaque classique et de la chirurgie mini-invasive, précise le chirurgien. Mais, à Rennes, le bloc est à la fois lieu de soins et de recherche dans le domaine des technologies pour la santé. »
Pour le Dr Lucas, cette plate-forme baptisée TherA-Image est bien « l’aboutissement » de près de vingt ans de travail effectué par des médecins du centre cardio-pneumologique du CHU, et des chercheurs et ingénieurs de l’INSERM, au sein du laboratoire dédié au traitement du signal et de l’image (LTSI) de l’université Rennes 1. Ensemble, ils conçoivent et mettent en œuvre des techniques de cardiologie interventionnelle et de chirurgie mini-invasive, guidées par l’image et assistées par ordinateur.
Un plan de vol.
« Cela fait 17 ans que l’on met au point des stations d’assistance », souligne le Dr Lucas. Si la création de cette plate-forme TherA-Image permet d’amplifier la conception, le déploiement et l’évaluation des procédures interventionnelles de demain, la concentration d’équipements de pointe en imagerie permet déjà de réaliser des interventions complexes en chirurgie cardiovasculaire. « Moi, je dis que nous sommes des vascularistes, un mot nouveau pour définir cette spécialité des pathologies vasculaires et pour signifier également ce bouillon de culture qui a abouti à cette salle, contrairement au monde cloisonné de l’université », explique le chirurgien rennais.
Le « vasculariste » est aussi pilote de ligne quand il opère… « C’est vrai, les approches informatisées de planification des interventions, d’assistance aux gestes opératoires et d’évaluation de ces gestes, mises au point ici, sont semblables à celles de la navigation aérienne », précise le Dr Lucas. Dans le dos du chirurgien, une salle abrite au moins un ingénieur. Tous les outils développés pour assister le médecin sont pilotés depuis les ordinateurs installés le long de la vitre qui sépare les deux espaces. Selon un véritable « plan de vol » défini ensemble, le duo va procéder en trois temps.
En premier lieu, le « sizing » consiste à mesurer les lésions, les anévrismes, pour savoir quel système de prothèse ou de stent est le plus adapté. Ensuite vient le temps du « planning ». « On prépare tout : la position de l’appareil de radiologie - équivalent des robots utilisés dans l’industrie automobile pour leur capacité à se mouvoir dans l’espace, les chemins à prendre dans les artères… » Enfin, c’est le temps de l’assistance opératoire. Le système informatique donne les informations nécessaires et vérifie que l’opération se déroule selon sa planification. Le chirurgien sollicite lui-même l’envoi de certaines informations sur un grand écran, comme les images retravaillées selon un logiciel de simulation numérique pour anticiper les déformations des artères à cause de l’introduction d’outils et diffuser des images réalistes en 3D de l’arbre artériel du patient. Le but de ces approches informatisées est de sécuriser les procédures et de réduire le temps d’intervention (d’environ un tiers), donc le traumatisme opératoire.
Une dynamique d’innovation.
Parmi les nouvelles approches testées par la plate-forme dans le domaine cardiovasculaire, on peut citer par exemple celle qui consiste à aller éliminer, à l’intérieur du muscle cardiaque, les foyers électriques à l’origine de troubles du rythme. Des techniques et des modèles de navigation intracorporelle, ainsi que des cartes de répartition des courants électriques au sein du muscle cardiaque, sont développés pour identifier les foyers de perturbation électrique et vérifier leur élimination après traitement par échauffement localisé du tissu.
« Toute avancée technologique qui va émerger sera testée ici dorénavant, ce qui crée inévitablement une réelle dynamique de recherche et de création », s’enthousiasme Antoine Lucas. En ce moment, un logiciel est en train d’être développé pour effectuer des cathétérismes robotisés avec une machine déjà en place à Rennes. Un bon exemple du partenariat engagé depuis des années avec des industriels : « Jusqu’à présent, les médecins ont bénéficié d’équipements mis au point pour l’aéronautique ou l’armée. Aujourd’hui, nous pouvons créer nous-même l’innovation en étant en amont des avancées technologiques », estime Antoine Lucas. Pour preuve, la start-up Therenva, issue du laboratoire de recherche LTSI, est chargée de développer des dispositifs médicaux logiciels innovants dans les locaux mêmes du CHU.
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