Campagnes de prévention de l’obésité

Des messages contre-productifs

Publié le 18/04/2012
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Crédit photo : PHANIE

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Crédit photo : S TOUBON

UNE CAMPAGNE de prévention de l’obésité, pour être efficace, doit modifier les comportements alimentaires de la population. Afin d’en mesurer l’impact, Carolina Werle, professeur assistant de marketing à Grenoble, a réalisé deux études, en collaboration avec d’autres chercheurs. Ses travaux portent notamment sur le marketing social, qui applique les principes de base du marketing à la promotion de la santé publique notamment à la prévention de l’obésité. Selon les chiffres de l’OMS, un milliard d’adultes dans le monde sont aujourd’hui en surpoids et au moins 300 000 sont obèses.

Les recommandations clés, manger moins gras, faire plus d’exercice, sont aujourd’hui bien connues. « L’objectif est le changement des comportements et pas uniquement des croyances des individus », souligne Carolina Werle. « Les deux recherches s’intéressent aux mesures des comportements pour voir s’il existe un décalage entre l’attitude face à la publicité et les comportements alimentaires. »

La première expérience, réalisée avec Sabine Mariani, Marie-Laure Gavard-Perret et Stéphanie berthaud, s’intéresse à la prévention de l’obésité chez les adolescents. Elle a été menée auprès de 797 jeunes, en moyenne âgés de 14 ans, scolarisés dans un collège ou lycée de Zone d’éducation prioritaire (ZEP), de la région grenobloise. Elle cherche à mesurer l’efficacité de différentes approches, en France les campagnes de prévention sont uniquement axées sur les risques de santé. « Les adolescents sont particulièrement sensibles aux normes sociales et à l’influence de leurs pairs », souligne la chercheuse, qui rappelle que « 50 à 70 % des adolescents obèses vont le rester toute leur vie. » Ainsi l’étude montre que les campagnes publicitaires centrées sur les risques sociaux ont plus d’influence sur les comportements alimentaires, au moins à court terme, que les messages axés sur la santé. La plupart du temps les adolescents sont en bonne santé et ces questions sont éloignées de leurs préoccupations. L’étude montre également que l’argument santé est plus agréable à regarder et est donc plus apprécié par les participants, mais cela n’amène pourtant pas au changement de comportement.

Effets inattendus.

La seconde étude, menée avec Caroline Cuny, portait sur les messages de prévention insérés dans les publicités et notamment sur leurs effets inattendus. Depuis 2007, des messages du Programme national nutrition santé, tels que, « pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière » sont diffusées en même temps que les publicités. Cette étude montre que pour les produits hédoniques, c’est-à-dire qui ne sont pas consommés pour leur valeur nutritionnelle mais pour le plaisir qu’ils procurent, lorsqu’un message de prévention se trouve sur la publicité, l’effet est inverse à celui souhaité. « Lorsque la culpabilité diminue, la consommation hédonique augmente », explique Carolina Werle. Le consommateur a fait du sport, ou prévoit d’en faire, il va ainsi pouvoir justifier la consommation du produit. L’expérience a été menée auprès de 131 étudiants, à qui l’on a montré soit une publicité avec un message de prévention, soit la publicité seule. Ainsi, ceux qui ont vu la publicité avec le message sanitaire ont fait des choix alimentaires moins sains que ceux qui l’ont vu sans le message. Ces résultats suggèrent donc la nécessité de dissocier le message sanitaire préventif du message publicitaire pour ce type d’aliments.

« Plusieurs chercheurs en marketing social estiment qu’il faut arrêter de dire aux gens ce qu’ils doivent faire, mais plutôt changer le contexte pour les aider à prendre la bonne décision, et ce, en se servant aussi des théories développées en marketing », reprend Carolina Werle. Il peut s’agir d’améliorer le placement des produits, ou d’utiliser un packaging plus attractif. Dans le cadre du marketing social, il peut s’agir également de rendre le produit plus accessible, ou d’inciter à sa consommation par une diminution de prix.

CÉCILE RABEUX

Source : Le Quotidien du Médecin: 9116