Ces dernières semaines, le Dr Patrick Sauli « s’est mangé la moitié du cerveau ». En cause : la découverte mi-février d’une dette de 110 000 euros, conséquence de la location d’une photocopieuse-imprimante-scanner auprès de Copy management, société de bureautique. Depuis, le médecin généraliste des Bouches-du-Rhône est sous le choc.
Pour comprendre cette histoire, il faut remonter à juin 2011, date à laquelle le Dr Sauli est démarché à domicile. On lui propose la location d’une photocopieuse à un prix défiant toute concurrence. « On m’a même dit : vous n’aurez rien à payer », témoigne le praticien installé depuis 31 ans à Auriol, au nord d’Aubagne. Étonné, il « épluche le dossier », ne « voit pas où est le mal », et signe un contrat de 60 mois, avec renouvellement éventuel du matériel tous les 20 mois. Un système de leasing, une pratique légale.
Gratuité...au départ
Mais le partenariat et le montage se révèlent complexes, avec des zones d’ombres.
Au départ, la société de bureautique compense les prélèvements trimestriels de l’organisme de leasing par trois mois de gratuité et 15 000 euros en chèque de « participation au solde » remis au médecin, qui ne paye au final que sa consommation. Mais si ce dernier décide de ne pas renouveler la location du matériel au bout de 20 mois, les chèques se tarissent. Le médecin se retrouve à rembourser seul l’équivalent de 40 mois de location à la société de leasing. Et cette fois au prix fort (environ 2 500 euros par trimestre), soit jusqu’à dix fois celui du marché. « Pour faire simple, Copy management achète un photocopieur 5 000 euros, le vend à une société de location financière 50 000 euros, qui le loue à un médecin sur cette même base », développe Me Gilles Martha, avocat marseillais spécialiste de la question.
Le nombre et la nature des contrats (clos, « rachetés », renouvelés, nouveaux) compliquent la donne. Pendant trois ans, les chèques et les appareils loués s’enchaînent. Aujourd’hui, le Dr Sauli dispose de trois contrats non soldés auprès de trois banques qui le pressent de rembourser ses dettes. Il plaide l’ignorance. Et dénonce « une supercherie à grande échelle » avec la « complicité » des sociétés de leasing.
Spirale infernale
Trois autres médecins, deux dentistes, trois kinés, deux pharmaciens, un opticien, un prothésiste dentaire, un vétérinaire et une société de fabrication de dispositifs médicaux des Bouches-du-Rhône et du Var sont également remontés contre la même société. Tous seraient endettés de plusieurs milliers d’euros. Ainsi ce généraliste est passé d’une location mensuelle de 25 à 600 euros, amortie par 20 000 euros de chèques. Insuffisant. « J’ai lu le contrat en gros et j’ai signé, reconnaît-il. Je me suis fait "couillonner" ». Jonathan Karydès, masseur-kinésithérapeute, dénonce un montage en forme de « spirale infernale ». « Plus vous renouvelez, plus vous vous endettez », s’énerve-t-il.
Selon des experts, le diable se cache dans les détails de contrats « bien ficelés », qui peuvent entretenir l’ambiguïté. Dans un bon de commande, que « le Quotidien » a pu consulter, la société évoque par exemple un « renouvellement et solde tous les 20 mois, avec nouvelle participation au solde ». Mais parle-t-on du renouvellement du contrat, des chèques qui compensent les prélèvements ?
La « carotte » financière au départ peut aveugler les esprits. « Il y a certainement eu un peu de cupidité de ma part », admet ce généraliste marseillais. À Aix-en-Provence, un jeune dentiste a signé pour la location d’un scanner « présentée comme une aide à l’installation », témoigne son avocate. « Toujours la tête dans le guidon, seuls ou presque, les médecins libéraux sont des proies faciles », analyse Me Martha. Si demain l’avocat marseillais porte plainte au parquet, le délit d’escroquerie fera partie des infractions citées.
Contrats « carrés »
Aujourd’hui rebaptisé INPS, Copy management assure avoir 2 800 clients, 35 salariés et un chiffre d’affaires de douze millions d’euros. Serein, son directeur général Jean-François Rouquier souligne que chaque dossier suppose « 14 ou 15 signatures », dont celle apposée par chaque client sur le bon de commande à la livraison du matériel. On l’accuse de surfacturation ? Recevable quand on vend un bien, pas quand on le loue. De pratique commerciale abusive ? « Tout ce qui est marqué sur le bon de commande est appliqué. Mes contrats sont carrés. ».
La justice n’a jamais condamné la société. Un chirurgien-dentiste de La Ciotat vient d’être débouté en première instance devant le tribunal de commerce. Le praticien est remonté au créneau, au pénal. Resteles sociétés de leasing, dont plusieurs avocats et plaignants dénoncent « la part de responsabilité ». Filiale du géant américain General Electric, GE capital est partenaire financier de Copy management. Contacté par « le Quotidien », l’organisme de leasing s’est refusé à tout commentaire.
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