NOUS DEVRIONS nous mettre à la place de Martine Aubry. Elle n’a pas manqué de caractère et de patience depuis le congrès de Reims, en novembre dernier. Le congrès lui-même a été, de l’avis de tous, un désastre, en ce sens qu’il a approfondi les divisions entre les principaux leaders socialistes. Mais Mme Aubry a su tirer son épingle du jeu, conquérir la direction du parti (au mépris d’un décompte des voix qui la donnait minoritaire), puis le gérer sur un mode plus laborieux que médiatique. Elle est parvenue, quoi qu’on en dise, à faire régner un peu d’ordre dans une structure dominée par les ambitions personnelles. Elle a réussi à neutraliser Ségolène Royale, sa première rivale.
Péché d’impérialisme.
Il se trouve que l’affaiblissement de Mme Royal, loin de profiter à Mme Aubry, aggrave la contestation au sein d’un parti dont chacun des acteurs croient que le recul du PS aux récentes élections européennes lui donne une chance de s’emparer du pouvoir. Première secrétaire du parti, tout au moins en titre, Mme Aubry n’avait pas d’autre choix que de tenter d’imposer son autorité. Elle reconnaît sa défaite aux européennes et propose un rassemblement de la gauche aussitôt rejeté, et avec quels sarcasmes, par Daniel Cohn-Bendit, grand vainquer de la consultation, Jean-Luc Mélenchon, récent dissident peu enclin à revenir dans le giron socialiste, et Marie-George Buffet qui, pour la première fois depuis peut-être vingt ans, croit assister à une sorte de frémissement en faveur des communistes. Pourtant, il n’y avait aucune arrogance dans l’attitude de Martine Aubry, soudain récusée pour le péché d’impérialisme.
Comme la grogne des leaders enfle, et qu’il ne se trouve pratiquement plus un seul socialiste qui ne dise plus de mal sur le PS que la droite elle-même, Mme Aubry tente de remettre de l’ordre en adressant à Manuel Valls, député de l’Essonne, une lettre lui intimant l’ordre de se taire ou de se démettre. N’est-elle pas fondée en effet à se révolter contre des critiques qui sapent les fondements du PS et qui, en plus proviennent des socialistes eux-mêmes ? Elle ne l’est pas. M. Valls déclare qu’il ne démissionnera pas et ne se taira pas davantage. Du coup, Martine Aubry, qui essayait de dominer la situation, sombre dans un silence qui ne présage rien de bon au sujet de sa détermination à rester aux fonctions qu’elle occupe.
Des militants, notamment Marylise Lebranchu, ancienne ministre et actuelle députée, qui s’exprime fort bien, volent à son secours. Coup sur coup, Laurent Fabius, dont le rôle personnel dans la décomposition du parti est immense (il a milité avec succès pour le non au traité constitutionnel européen alors que les socialistes avaient voté pour le oui), Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée, Ségolène elle-même et d’autres soutiennent Martine Aubry. Mais Jack Lang, qui se garde bien de la condamner, déclare qu’il y a un problème de leadership (il cherche un « Obama socialiste ») et reconnaît que le parti va mal.
PLUS LE PS S’AFFAIBLIT ET PLUS LES AMBITIONS PERSONNELLES SE RENFORCENT.
Le premier constat, c’est que, tôt ou tard, Martine Aubry devra renoncer à diriger le parti et que sa carrière politique touche à sa fin. La violence, parfois très excessive, des critiques dont elle fait l’objet a réduit à néant son autorité. La contestation se nourrit d’elle-même : plus le PS s’affaiblit, plus Mme Aubry est faible politiquement et plus chacun des ténors du parti voit midi à sa porte, qu’il soit en accord ou non avec la gestion du parti par la maire de Lille. De sorte qu’il n’y a pas au PS un camp contre l’autre ou un courant contre tous les autres. Il n’y a que des ambitions exacerbées par la déroute du socialisme.
La décomposition est tellement avancée que la seule proposition raisonnable -et peut-être salutaire- de tenir des primaires pour désigner le chef du parti, est en train de sombrer dans la polémique. Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire, imagine un système considéré comme très compliqué, mais il ne faut pas oublier que les primaires aux États-Unis constituent un processus extrêmement alambiqué. Elles n’en ont pas moins assuré l’émergence de grands leaders politiques que personne ne connaissait avant les primaires.
N’adopter que de bonnes idées.
Le deuxième constat est fait par Jack Lang qui apparaît aujourd’hui comme un sage : ce n’est pas en quelques jours ou en quelques mois que le PS retrouvera ses forces. Il est déjà passé par des crises graves qui ont failli l’anéantir mais, pour ne prendre que cet exemple, François Mitterrand a su faire d’un parti que Guy Mollet avait laissé moribond un tremplin vers la conquête du pouvoir. Enfin, le parti n’est pas mort, comme l’affirment un peu vite beaucoup de ses sympathisants comme Bernard-Henry Lévy : son implantation territoriale (régions et mairies) est remarquable et il sera très difficile, pour l’UMP, de reprendre l’an prochain aux socialistes quelques-unes des 20 régions (sur 22) qu’ils détiennent. Tout se passe comme si les Français se satisfaisaient d’un parti socialiste qui les gère localement mais pas au niveau national. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas, dans notre population, un appel désespéré pour que l’État apporte enfin un début de solution à un chômage galopant et à une paupérisation croissante de la classe moyenne.
Le PS de Martine Aubry a commis une errreur essentielle : celui de poursuivre le procès, souvent démagogique et injuste, que François Hollande avait intenté au sarkozysme dès le début de la campagne de 2007. Le PS, avec ou sans Mme Aubry, doit avoir le courage de remettre en cause les notions dont il se nourrit et d’admettre qu’il faut toujours adopter une idée qui a une bonne chance de marcher. Seul le réalisme permettra à ce parti de s’adapter au monde tel qu’il est et non tel qu’il devrait être.
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