LE JEU des questions-réponses n’est jamais, en réalité, périlleux pour celui qui répond. Toute question, en définitive, sert de faire-valoir, puis la personne interrogée a le dernier mot. Depuis une vingtaine d’années, les journalistes français se sont mis à la page et posent assurément des questions dérangeantes. Pourtant, il y a assez de mots dans le vocabulaire pour que la personne qui subit l’interview puisse détourner le missile. Connaissant M. Sarkozy, on n’est pas surpris, toutefois, de son aversion pour les journalistes et pour les interviews. Une question brise l’unité du raisonnement parce qu’elle interfère avec la logique du propos et oblige l’interrogé à regarder son projet sous un autre angle. N’est-ce pas, néanmoins, ce qui fait le sel de la politique ?
Il n’est pas chef de parti.
La forme très agressive des réponses de Nicolas Sarkozy, lundi dernier, est à l’image d’un président qui a souvent mélangé la défense de son programme et les attaques contre ses détracteurs. Le programme doit être exposé dans l’indifférence de ce que l’on en dit. Il n’est pas recommandé que le chef de l’État se jette systématiquement dans la mêlée. Il n’est pas chef de parti. M. Sarkozy n’a jamais pu guérir de cette tare originelle qui résulte de son narcissisme, de son agitation permanente et de sa nervosité. Il est certes difficile de garder son calme devant la provocation. Mais les questions des journalistes ne sont pas des provocations. Elles rapportent des objections formulées dans le monde politique et l’interviewé est libre de choisir la forme de sa réponse. Lundi dernier, M. Sarkozy s’en est pris une fois de plus à Laurent Joffrin, directeur de « Libération » qui, indubitablement, ne va pas aux conférences de presse pour servir la soupe au président. « Je ne voudrais pas que M. Joffrin soit frustré, ca m’embêterait » (quel genre de commentaire lourdement ironique est-ce là ?). Le président commente les questions : « Monsieur Leclerc, avez-vous conscience qu’on est en Europe ? » Autrement dit, M. Leclerc serait un demeuré qui ne mérite pas son job. Ou encore : « Quelle curieuse conception, Madame Chavelet. Pourquoi voudriez-vous en priver les Français ? » (du bouclier fiscal).
« MAIS, MONSIEUR LE PRÉSIDENT, CE N’EST QU’UNE QUESTION »
Bref, M. Sarkozy attaque pour mieux se défendre. Ce faisant, il transforme l’Élysée en ring de boxe. Pis, il bafoue le quatrième pouvoir, censé bénéficier d’une totale indépendance. Les journalistes ne doivent jamais se prendre au sérieux, mais les institutions doivent les prendre au sérieux. Dans une époque de débat permanent et de polémique quotidienne, comment se faire une idée si les journalistes ne véhiculent pas les idées et les convictions d’une partie du peuple ? Or l’attitude de M. Sarkozy à l’égard de la presse est sans précédent. Charles de Gaulle faisait rire par ses réponses, jamais en commençant ses réponses par une mise en accusation de la question. Il arrivait aux autres présidents de la Vème de remettre en place un questionneur un peu agressif, mais rarement. Le chef de l’État mériterait d’être coupé par celui qui l’interroge et pourrait lui dire : « Mais, Monsieur le président, ce n’est pas un commentaire, c’est une question, une simple question ». Et lui rappeler du même coup que la communication entre un président et des journalistes qui diffusent sa pensée chez les lecteurs ou les téléspectateurs relève du fonctionnement de la démocratie. M. Sarkozy estime-t-il par hasard que l’analyse de ses projets par des gens indépendants est superfétatoire ?
La plupart des commentaires sur le comportement du président sont amusés ou indifférents. Le problème posé est cependant sérieux. Si l’Élysée devient un purgatoire d’où l’on ne peut sortir que lessivé, les journalistes les moins pugnaces finiront par ne plus se rendre aux conférences de presse. Les plus sûrs d’eux-mêmes se défendront publiquement, ce qu’il ne faut pas exclure, et l’exercice de la démocratie perdra de sa dignité. Ou bien alors, les correspondants de l’Élysée ne seront plus que des béni-oui-oui. La France en serait-elle grandie, Monsieur Identité nationale ?
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