À peine le temps de boire une tasse de café que le Dr Ilias Sioras rejoint (au moyen d’un ascenseur vétuste) son service situé au quatrième étage de l’hôpital Evangelismos, le plus grand établissement de la capitale grecque et du pays.
Ce matin encore, les brancards s’entassent par dizaines à l’entrée des urgences. Des patients s’agglutinent au guichet pour prendre des rendez-vous. Des ambulances arrivent à toute vitesse, en flot continu. À chaque pas qu’il fait, le Dr Sioras, médecin cardiologue et représentant du personnel, est accosté par des malades énervés ou des collègues épuisés.
Asphyxie
Il y a quelques jours, le praticien organisait un rassemblement devant l’établissement afin de protester contre le manque de moyens (matériels et humains) et les conditions de travail qui n’ont cessé de se dégrader ces dernières années sous l’effet des programmes d’austérité qui ont affecté particulièrement la santé.
« La situation est asphyxiante, explique le cardiologue, exaspéré. Le nombre de patients augmente, il y a un manque chronique de personnel. Près de 850 centres de proximité et 11 hôpitaux ont fermé depuis le début de la crise, leurs patients se transfèrent sur les plus gros établissements. À Evangelismos, nous sommes 2 000 employés pour 950 lits, il nous faudrait près de 300 infirmières et 150 médecins supplémentaires ! ».
L’établissement est étranglé financièrement : le budget de l’hôpital est passé de 96 millions d’euros en 2013 à 72 millions en 2015 (-25 %). Cette diminution drastique a des répercussions : « Nous avons un grave problème d’approvisionnement en matériel et en médicaments. À partir de juillet, si notre budget n’augmente pas, nous n’aurons plus de quoi payer nos fournisseurs », prévient le Dr Sioras.
Un Grec sur quatre sans assurance
L’hôpital doit pourtant gérer l’augmentation continue des Grecs « non-assurés », sans aucune couverture santé. Selon le Premier ministre Alexis Tsipras, ils sont quelque trois millions dans le pays, soit près d’un citoyen sur quatre, à ne pas avoir de Sécurité sociale.
Dans ce contexte, les médecins ont salué la décision récente du nouveau gouvernement de supprimer le ticket d’admission de cinq euros dans les hôpitaux publics, un geste très symbolique en direction des personnes les plus fragiles. Même si la fin de ce forfait hospitalier devrait amputer les comptes publics de 20 millions d’euros...
La Grèce se retrouve face à une équation très compliquée, voire insoluble. Au moment où elle veut réinvestir dans son système de santé à l’agonie pour garantir un droit universel aux soins de qualité, elle doit donner des gages accrus de bonne de rigueur budgétaire pour obtenir des aides de ses créanciers européens et internationaux (FMI, Commission européenne, Banque centrale européenne).
Désenclaver
Mais le gouvernement estime que la situation sanitaire est devenue critique. Entre 2012 et 2015, le budget de la santé a été amputé de plus d’un milliard d’euros. Ces économies massives ont conduit à une « véritable crise humanitaire », selon les mots très forts utilisés par le Premier ministre, élu en janvier.
Pour sortir de l’ornière, mais au risque de mécontenter les financeurs de la dette grecque, Alexis Tsipras a donc multiplié les promesses : accès gratuit aux soins pour des millions de personnes, projet de loi sur les soins de première nécessité, augmentation du budget des hôpitaux publics, embauche de 4 500 médecins et paramédicaux, en priorité recrutés pour désenclaver les régions éloignées d’Athènes. « Ce nouveau gouvernement suscite évidemment beaucoup d’espoir dans notre milieu, estime le Dr Sioras. Mais pour le moment, la situation n’évolue pas et nous avons besoin de réponses urgentes. Le Premier ministre souhaite embaucher 4 500 personnes dans la santé mais avec quel argent ? Tout va dépendre des négociations avec les Européens ».
160 types de médicaments épuisés
En attendant des jours meilleurs, les chômeurs de longue durée, qui ont perdu leur Sécu, mais aussi beaucoup d’autres personnes précaires se tournent toujours plus nombreux vers des structures associatives.
Au cœur d’Athènes, le centre de soins de Médecins du Monde accueille en moyenne 150 personnes par jour. Une queue se forme dès l’ouverture à 9 heures du matin. Dans la salle d’attente, Christos est venu avec son fils qui souffre d’une carie. « Pour ma femme et moi qui sommes sans assurance, la seule solution pour se faire soigner, c’est de venir dans ce centre. J’espère que le nouveau gouvernement tiendra ses engagements et rendra l’accès aux soins gratuits pour tous ».
En 2011, le dispensaire avait accueilli 40 000 patients, l’année suivante le double. Une croissance qui s’explique par la précarisation croissante des Grecs, analyse Alexandros Souvadzis, kinésithérapeute bénévole dans l’ONG depuis vingt ans. « Désormais nous n’accueillons plus seulement les non-assurés mais aussi toutes les personnes en grande difficulté. Certains patients ont des prescriptions d’un médecin d’une clinique publique mais ils ne peuvent plus acheter leurs boîtes de médicaments ». De fait, depuis trois ans, la participation directe des assurés aux dépenses de pharmacie a grimpé de 9 % à 29 %.
La pénurie de médicaments est une autre réalité cruelle. Quelque 160 types de produits sont régulièrement épuisés en Grèce, assure Kostas Lourandos, président de l’Union des pharmaciens de l’Attique. « Certains laboratoires n’envoient plus de médicaments en Grèce car ils savent que la Sécurité sociale ne pourra pas les payer, commente-t-il. La Sécu doit aussi de l’argent aux pharmaciens depuis 2012...». De l’aveu même du ministre de la Santé « l’état des finances de la Sécurité sociale grecque est dramatique. Elle peut couvrir les dépenses pour les retraites mais difficilement pour la maladie ».
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