« La nécessité, parfois quotidienne, de trouver un hébergement et des ressources financières peut faire passer au second plan d’autres priorités influant sur l’état sanitaire ». L’institut de veille sanitaire (InVS) explique dans un dossier publié dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) comment la précarité liée à l’absence de logement fixe affecte la santé dans toutes ses dimensions.
Si le nombre de personnes sans domicile a augmenté de 50 % entre 2001 et 2012 – avec 141 500 sans-abri estimés en 2012 – le phénomène recouvre une très grande hétérogénéité des situations, notamment avec un accroissement des familles. « Loin de la totale désocialisation », un quart des adultes travaillent, mais ont des emplois le plus souvent peu qualifiés et peu rémunérés, et un quart vit avec des enfants, ces derniers représentant un tiers des personnes sans-abri. Certaines personnes sont « hébergées par des proches, d’autres en hôtel social, dans des centres collectifs, à plus ou moins long terme, d’autres encore dorment dans la rue ». Les femmes, les familles et les étrangers sont davantage représentés qu’avant. Malgré leurs différences, tous partagent le fait de multiplier les facteurs de risque pour la santé.
Fait inédit, un ordre de grandeur de mortalité
Pour la première fois, l’InVS publie une estimation du nombre de décès de personnes sans domicile en France, en s’aidant pour cela de la méthode dite de « capture-recapture » appliquée aux recensements du Collectif Les morts de la rue et du CépiDc-Inserm. Au total, le nombre de décès s’élève à plus de 6 700 entre janvier 2008 et décembre 2010, soit plus de 2000 par an. Pour l’équipe de Cécile Vuillermoz, c’est « une première étape dans la mise en œuvre de politiques publiques visant la réduction de la mortalité prématurée dans cette population ».
Une autre enquête menée en 2012 chez 3 741 personnes vivant dans les grandes villes françaises révèle que « plus jeunes en moyenne (40 ans) que l’ensemble de la population, ils ne sont que la moitié à se percevoir en "bonne" ou "très bonne" santé ». Quel que soit l’âge, les femmes sans domicile se déclarent en moins bonne santé que les hommes, avec un écart particulièrement élevé à partir de 60 ans. Entre 60 et 75 ans, moins d’une femme sans domicile sur 10 se déclare en bonne santé contre 1 homme sur 2. L’ancienneté dans l’hébergement provisoire est un facteur explicatif, avec 77 % des femmes de cet âge fréquentant ces types de lieu depuis plus de 2 ans par rapport à 26 % des hommes du même âge. Il ressort également que les personnes sans domicile ne vivant pas seules ont 2 fois plus de chances que celles isolées de se déclarer en bonne santé.
Dix fois plus de sujets psychotiques
Si les personnes sans domicile ne présentent pas de pathologie spécifique, elles sont plus nombreuses à déclarer souffrir d’une maladie chronique ou durable, avec 33 % des personnes de moins de 60 ans concernées contre 26 % en population générale. Dans une enquête précédente, en 2001, parmi les problèmes surreprésentés, figuraient la migraine (cinq fois plus), les maladies respiratoires (deux fois plus) ou des séquelles de maladie grave (six fois plus).
La moins bonne santé bucco-dentaire est alarmante, notamment chez les 35-59 ans, « où 40 % des sans-domicile déclarent avoir perdu au moins une partie de leurs dents contre 27 % pour le même groupe d’âge en population générale ». De même, les corpulences extrêmes sont surreprésentées, avec 9 % de personnes en sous-poids et 20 % d’obèses.
La santé mentale est une préoccupation majeure mise en avant dans l’enquête Samenta menée par l’Observatoire du SAMU social de Paris et l’Inserm en 2009. Près d’un tiers des personnes sans logement personnel en Ile-de-France présentait des troubles psychiatriques sévères, en particulier psychotiques (13 %), des troubles anxieux (12 %) et des troubles dépressifs sévères (7 %). La prévalence des troubles psychotiques est ainsi 10 fois plus fréquente qu’en population générale. La dépendance ou la consommation de substances psychoactives étaient de 3 fois supérieures pour l’alcool et jusqu’à 6 fois pour le cannabis.
Pour les auteurs du rapport Samenta, il est frappant de constater que les personnes psychotiques « relevant d’un suivi qui devrait être particulièrement attentif, dans un environnement stabilisé, sont concentrées dans les structures d’hébergement les plus précaires et instables ». Les auteurs poursuivent en concluant qu’ « héberger et soigner les quelque 2 800 psychotiques sans domicile de la région Ile-de-France, (...) ne devrait pas constituer un objectif politique et sanitaire inatteignable ». Autre constat, alors que moins de 1 personne sur 10 ne bénéficie d’aucune couverture santé et que 85 % des personnes sans domicile déclarent avoir consulté un médecin dans l’année écoulée, paradoxalement, le recours aux soins va en diminuant avec l’âge.
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