« ENTRE l’univers mental d’un homme et d’une femme, il y a un fossé aussi vertigineux que celui de leurs oppositions anatomiques », écrit sans détour Jean-Paul Mialet. Ce qui n’empêche pas des désirs communs d’attachement et d’amour. En quoi la chair et ses désirs sont-ils si différents entre les deux sexes, d’où viennent ces différences, comment le garçon et la fille s’approprient-ils et investissent-ils leur corps ? Comment naissent le désir d’attachement et l’attachement lui-même ? En quoi est il légitime d’affirmer que la femme aime « être » et l’homme aime « faire » ?
Chacun des deux sexes habite deux corps différents, se construit différemment et, dans cette construction du féminin et du masculin, les facteurs hormonaux et culturels ne font qu’« habiller des superstructures », explique l’auteur, en s’appuyant à la fois sur sa longue expérience clinique et sur de nombreuses données théoriques. Pourtant, dans ses aspirations égalitaires, la culture de l’émancipation sexuelle ne conçoit pas que les normes érotiques puissent différer selon les sexes. Quand le sexe de l’homme est visible, extérieur et perceptible immédiatement par lui-même, celui de la femme est « littéralement parlant, insaisissable ». D’où la nécessité, pour elle, de l’appréhender par une construction représentative, un tiers. Ce tiers étant un regard intérieur attendant d’être validé par son double à l’extérieur, rendant d’emblée la vie sexuelle de la femme « prisonnière d’une exigence relationnelle que ne connaît pas l’homme ».
L’auteur détaille de manière convaincante les nombreuses différences : de la vue, sens érotique prioritaire pour l’homme, tandis que le toucher et l’odorat représentent dans l’érotisme féminin les sens privilégiés, dont on comprend aisément qu’ils réclament un contact et une relation étroite, aux différences dans la pratique de la masturbation en passant par des attitudes variables en matière de fidélité.
Reconnaître ces différences essentielles éviterait bien des malentendus explique l’auteur. En effet, cette façon de confondre égalité de la condition féminine et masculine avec annulation des différences ne fait qu’alimenter la discorde au lieu de créer des alliances. Et une entente que, pourtant, hommes et femmes ont encore peut-être plus de mal à trouver aujourd’hui qu’hier, dans la mesure où l’amour est le credo et la religion du couple moderne. Oui, mais voilà, les hommes paient aujourd’hui leur mépris millénaire pour les femmes, et ces dernières le malaise de la gent masculine, qui se sent menacée dans son identité.
Le besoin de l’autre.
S’ils« ne parlent pas pareil », comme le dit Michèle Morgan à Jean Gabin dans « Quai des brumes », ils peuvent au moins s’aimer : après avoir analysé le « façonnage naturel » qui fait que l’homme et la femme n’ont pas avec leur corps la même relation de plaisir et de désir et montré les constantes de cette réalité au fil du temps malgré le façonnage culturel, voire la pression consumériste ou l’exploitation commerciale du sexe, Jean-Paul Mialet évoque longuement le besoin qu’il et elle ont l’un de l’autre. La confusion des genres et cette négation des différences portent, par les malentendus qu’ils engendrent, une lourde responsabilité dans la dysharmonie des relations amoureuses. D’autant que notre société est peut-être la première à considérer que le plaisir est une fin en soi, avec des échecs sources de souffrance psychique profonde que les psychiatres observent de près quotidiennement. « Émancipés de toutes les contraintes extérieures à eux-mêmes, hommes et femmes actuelles ne connaissent plus qu’une seule morale : tendre vers soi », remarque l’auteur. L’amour construit sur la subjectivité de l’émotion sans intention fondatrice est dès lors bien fragile et ne résiste pas à l’épreuve du réel.
Une analyse de la différence des sexes qui fait fi du politiquement correct et de la langue de bois et devrait faire grincer quelques dents. Documentée mais sans prétention : « La pratique de l’humain rend humble et préserve de vouloir donner des leçons » écrit Jean-Paul Mialet.
Jean-Paul Mialet, « Sex aequo - Le quiproquo des sexes », Albin Michel, 450 pages, 22 euros.
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