Une longévité politique remarquable

Fillon l’indéboulonnable

Publié le 19/01/2010
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Crédit photo : AFP

C’EST UN PARADOXE : dès que François Fillon a été nommé Premier ministre en 2007, ses relations avec Nicolas Sarkozy ont été mauvaises. Non à propos des grands dossiers ou des réformes mais il y avait entre les deux hommes une telle différence de style et de caractère qu’ils semblaient profondément incompatibles. Très vite, la presse a colporté des rumeurs de conflit qui se sont transformées en vérités bien connues annonçant une rupture prochaine. Elle ne s’est jamais produite.

L’humiliation du « G7 ».

François Fillon a été rarement traité par le président avec le respect dû à un Premier ministre. Son idée du « G7 », ce groupe de ministres « chouchous » de Sarkozy (un groupe d’où M. Fillon était absent) a été une humiliation de le chef du gouvernement n’a jamais digérée. De son côté, le chef de l’État, bouillant comme d’habitude, a souvent dit du mal de M. Fillon quand il disait ou faisait quelque chose qui ne lui convenait pas, quitte à passer outre. Mais le mal était fait. Il est arrivé que le Premier ministre présentât sa démission, que M. Sarkozy a refusée. Le président est l’homme des éclats, pas des mesures dramatiques (qui auraient d’ailleurs singulièrement compliqué son travail  : on ne se sépare que de ses collaborateurs directs qu’au prix d’une crise. Il nous semble que M. Fillon est très résistant, qu’il est capable d’encaisser des coups sévères et que, au fond, il a assez de sagesse pour ne pas croire qu’un différend provoqué moins par la substance des dossiers que par le tempérament excessif du président n’est jamais tragique.

LES CONFLITS QUI ONT OPPOSÉ LES DEUX HOMMES N’ONT RIEN ENLEVÉ À LA LOYAUTÉ DE M. FILLON

On a pensé aussi que la popularité de François Fillon, de loin supérieure à celle de Nicolas Sarkozy, pouvait créer une autre source de conflit. Mais si le président est jaloux (par exemple de Barack Obama), il est aussi intelligent. Il sait pertinemment que sa façon de fonctionner en assumant tout ce que fait l’exécutif va bien plus loin que ce qu’il convient qu’un président fasse sous la Vè République. L’hyperprésident a effectivement hypertrophié la présidence et rompu avec la tradition qui faisait du Premier ministre un « fusible » permettant au chef de l’État de sortir indemne de toute crise grâce au remplacement du chef du gouvernement. On assiste désormais au spectacle inverse : Sarkozy est devenu le fusible de Fillon et, pendant que décroît la popularité du premier, s’accroît celle du second. Aux yeux de l"opinion, M. Fillon, aujourd’hui encore plus qu’il y a deux ans, est l’homme qui s’occupe sérieusement des réformes, celui qui travaille dans l’ombre et parle peu, celui qui s’attaque aux problèmes les plus douloureusement ressentis par la société français, tandis que le président multiplie les déclarations et surtout les promesses qu’il ne tient pas. Mais M. Fillon a toujours été dans le vrai quand il réaffirmait sans cesse que, sur la marche à suivre, il n’existait aucune différence entre le président et lui.

Un duo qui fonctionne malgré tout.

Le couple exécutif, en dépit des ses crises et ses querelles, a finalement fait la preuve de la complémentarité entre M. Sarkozy et M. Fillon. Le Premier ministre s’est plaint souvent des mauvaises manières qui lui étaient faites par l’Élysée, premier pôle de décision où les mesures sont conçues dans le secret et sans communication avec le gouvernement. Cela ne l’a jamais empêché de rester immensément loyal à M. Sarkozy pour tout ce qui concerne l’action politique et même si, sur la forme, il n’a jamais caché son aversion pour les paillettes et les effets de manche. Ses critiques ne désignaient personne mais chacun pouvait comprendre à qui elles s’adressaient. On ne saurait trop conseiller à M. Sarkozy de garder M. Fillon si son objectif est d’accomplir les réformes plutôt que d’exalter sa gloire personnelle. Il ne trouvera pas forcément un homme aussi compétent et, surtout, capable d’avaler des couleuvres sans montrer le moindre symptôme d’indigestion. Si la République de Sarkozy est la cinquième et demie (une marche de plus vers la république présidentielle), M. Fillon peut bien finir sa tâche au printemps de 2012.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8690