IL Y A exactement trois ans, George Frèche était exclu du parti socialiste pour divers dérapages : il avait insulté des harkis en les traitant de « sous-hommes » et compté les Noirs dans l’équipe nationale de football. Il s’agit bel et bien d’accusations profondément racistes, et le président de région ne mérite, de ce point de vue, aucune indulgence. Il ne s’est pas assagi. Il a parlé de Laurent Fabius (un « mec ») en termes vulgaires et conformes à son caractère. M. Frèche est la nemesis des socialistes, leur obsession. Pour des raisons ethiques, ils souhaitent s’en débarrasser ; pour des raisons politiques, ils sont constamment obligés de composer avec lui. À l’heure où Martine Aubry espère faire un grand chelem aux régionales, la constitution d’une liste sans M. Frèche devenait impossible : le président de Languedoc-Roussillon bénéficie de très nombreux soutiens locaux, c’est un potentat avec une position bien plus forte du côté de Montpellier que celle de Ségolène Royal en Poitou-Charentes.
Une expression du langage courant.
Les propos de M. Frèche, prononcés il y a plusieurs semaines, soudain découverts par « L’Express » et jetés en pâture à l’opinion sont-ils antisémites ? Il faut bien mal connaître le français pour croire un seul instant qu’un homme « pas très catholique » est une expression raciste. Votre serviteur l’utilise souvent et se plaint même d’être parfois dérangé à une « heure pas très chrétienne » sans que cela indique sa confession religieuse, même s’il l’emploie avec délectation. La communauté juive propose une d’ailleurs une variante : «Quelqu’un ou quelque chose de pas très cacher » qui ne saurait être interprété comme une forme d’intolérance.
UNE FUSION DES DEUX LISTES ENTRE LES DEUX TOURS EST IMPOSSIBLE : LES SOCIALISTES SONT TROP PURS
La polémique n’est donc pas vraiment dans le propos qui viserait un homme né dans une famille juive mais éduqué dans la religion catholique. Elle est dans le personnage qui parlait, lequel s’est empressé de rappeler qu’il était pro-israélien et ne saurait donc être soupçonné d’antisémitisme. On le croirait sur parole s’il n’était coutumier d’expressions où perce le racisme, s’il ne s’employait à provoquer, par des discours simplificateurs ou vulgaires, ses amis et ses ennemis politiques, s’il n’était tellement sûr de sa propre légitimité qu’il envoie promener la gauche, la droite, les harkis et Fabius, dont il rappelle qu’il le combat depuis 28 ans et qu’en conséquence il ne l’a jamais ménagé. Georges Frèche ignore le respect dû à tout être humain. Il n’a jamais fait dans la dentelle. Dans ces conditions, sa phrase désobligeante pour Laurent Fabius est-elle la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? C’est ce que nous dit le PS qui, après avoir composé inlassablement avec l’exclu, ne peut plus le supporter tout à coup. Pour justifier le « lâchage » de Frèche, tous les ténors du parti ont cru bon d’en rajouter et de nous présenter leur tête de Turc (que les Turcs ne s’offensent pas) comme un monstre d’antisémitisme.
Manuvre éminemment tactique par laquelle Martine Aubry tente de larguer Frèche sans en subir les conséquences lors des élections régionales. Tout est fait pour convaincre les amis socialistes locaux de M. Frèche de l’abandonner à leur tour et de rejoindre la liste dirigée par Hélène Mandroux. On peut toujours se tromper, mais ils ont très peu de chances d’y parvenir si l’on en croit les commentaires des intéressés, dont l’un a cru bon de dire qu’on accuse M. Frèche d’avoir des « motivations religieuses ». Langue de bois : le mot exact est raciste ou antisémite. Bref, on a plutôt l’impression que les socialistes de Languedoc-Roussillon sont moins intéressés par les principes et le parler élégant que par la puissance politique de leur leader, capable, comme jadis et naguère, de les emmener à la victoire. Les « valeurs républicaines », c’est beau, mais gagner, c’est mieux.
Et entre les deux tours ?
En se présentant, avec une emphase quelque peu théâtralisée, comme les champions de la lutte contre l’antisémitisme, les socialistes croient avoir finement manuvré. Malheureusement, il y a des chances que Mme Mandroux se fasse battre à plate-couture par Georges Frèche, ou que les socialistes et les Verts se divisent en deux votes de poids comparable ou que, (et ce serait le pire pour les vertueux professionnels du PS) que les deux listes rivales fusionnent entre les deux tours. Alors, adieu aux valeurs, bonjour le cynisme. Mais ça n’arrivera pas, ça ne peut pas arriver. Les socialistes sont trop purs. Et, nul n’en doute, ils sacrifieront le Languedoc-Roussillon sur l’autel de l’éthique. Voilà comment une droite en complète déconfiture pourrait gagner une région engagée à gauche depuis longtemps.
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