LE QUOTIDIEN – Il y a un an, vous rendiez votre rapport à Nicolas Sarkozy. Voici que certaines de vos propositions se retrouvent au menu de la Haute Assemblée que vous présidez. Reconnaissez-vous votre « bébé » ?
GÉRARD LARCHER – Le rapport, qui était le rapport de la Mission de concertation sur les missions de l’hôpital, avait pour principale ambition de permettre à chaque Français, en chaque point du territoire, d’avoir accès à des soins de proximité et de qualité quels que soient son revenu et sa situation géographique.
C’était l’élément central de la réflexion de la mission que nous avons menée dans laquelle devaient s’inscrire bien entendu le rôle et la place de l’hospitalisation qu’elle soit publique ou privée, à domicile ou non, et en liaison avec les autres acteurs de notre système de santé, en particulier les acteurs du secteur médico-social.
C’est sans doute pour cela que ce rapport a été salué par la quasi-totalité des acteurs mais aussi par l’opinion publique puis qu’il s’agissait de répondre aux besoins de santé de la population.
Ce n’est pas non plus un hasard si les professionnels se sont prononcés favorablement sur nos propositions. C’était le résultat de plus de 250 audiences quelque fois réitérées soit au niveau de la commission soit en entretiens personnels. Ceci explique sans doute cela.
Le projet de loi préparé par Roselyne Bachelot a pour l’essentiel gardé la philosophie et l’esprit de ce rapport et pour cela je salue son opiniâtreté, son courage et son engagement.
Mais au-delà de l’intérêt général qui devrait présider à l’esprit de toute loi, de nombreux corporatismes s’expriment à cette occasion. C’est sans doute naturel dans notre République, mais ma conception du service public, c’est l’intérêt général.
Imaginiez-vous quand vous élaboriez votre rapport qu’il susciterait les tensions que l’on connaît aujourd’hui ? Pour être provocateur, avez-vous le sentiment par exemple d’avoir fait descendre les mandarins dans la rue ?
En réalité, chacun reconnaît le bien-fondé de ce projet de loi. Cela a été dit, y compris par ceux que vous appelez les mandarins. D’ailleurs, chacun a pu constater que de nombreuses revendications exprimées lors des manifestations avaient peu à voir avec le projet de loi.
Néanmoins, je ne néglige pas pour autant le malaise qui s’est exprimé durant cette journée. Les antagonismes sont apparus dès qu’il a été question d’organiser les pouvoirs au travers de la gouvernance. Pour moi, ce sujet n’est pas le sujet de fond par rapport à l’objectif principal de la loi qui est d’organiser la meilleure prise en charge des patients.
Simplement je considère que la gestion d’un hôpital ne peut se faire sans les médecins et qu’ils doivent être responsabilisés dans les choix stratégiques de l’hôpital. C’est ce qui a été recherché par la commission des affaires sociales du Sénat. Je pense que les bons équilibres ont été trouvés.
Je note d’ailleurs que cette « discussion » sur les pouvoirs à l’hôpital n’intéresse que modérément l’opinion publique. Les principales représentations des associations d’usagers à l’hôpital qui soutiennent le projet de loi l’ont clairement affirmé et c’est pour moi aussi important.
On sait que les sénateurs ont été très sollicités ces dernières semaines par l’ensemble des acteurs du système de soins. Dans quel état d’esprit diriez-vous qu’ils abordent l’examen de la loi ?
Même si la pression des professionnels, des corporatismes, est forte et les conditions du travail législatif nouvelles, les sénateurs sont sereins et conscients des enjeux pour notre système de santé.
L’examen en commission des affaires sociales s’est terminé mercredi 5 mai très tôt dans la matinée, et, dès jeudi, le texte issu de ces travaux était disponible. Je tiens à saluer le travail remarquable et la performance du rapporteur, Alain Milon, et du président de la commission, Nicolas About, ainsi que l’ensemble des sénateurs, présents et assidus, pour la qualité des discussions parfois vives mais constructives. Un texte à la mesure des enjeux a été trouvé et je m’en félicite.
Certains sénateurs, y compris dans la majorité, ne se sont pas privés de critiquer parfois férocement la loi (on pense à Jean-Pierre Raffarin, par exemple). Comprenez-vous leur opposition ?
Les interrogations sont légitimes et elles ne portent pas sur l’ensemble du texte. Je leur dis que le texte du Sénat consiste à répondre aux préoccupations majeures des Français : avoir un accès aux soins de bonne qualité, à un coût raisonnable et semblable sur l’ensemble du territoire.
C’est à nous, politiques, après avoir écouté les professionnels et les usagers, de définir les grands choix : la permanence des soins, la gouvernance à l’hôpital, l’organisation territoriale du système de santé et des mesures incitatives d’installation pour les médecins.
Et je le redis, la gestion d’un hôpital ne peut se faire sans les médecins. Ils doivent être responsabilisés en confiance dans les choix stratégiques de l’hôpital. C’est ce que le Sénat a souhaité faire en équilibrant les pouvoirs et compétences entre le directeur, qui a la responsabilité de pilote, et le médecin au sein des instances décisionnelles de l’hôpital. On ne peut imaginer un directeur qui n’associe pas la communauté médicale.
Avez-vous, comme d’autres, le sentiment que plus le temps passe et plus les débats autour de la loi se politisent. Cela vous inquiète t-il ?
Les débats font partie de la vie parlementaire et démocratique ainsi que de l’exercice législatif. N’oublions pas que l’hôpital concerne chacun d’entre nous. C’est un enjeu de société majeur.
Avec vos multiples casquettes d’ancien président de la FHF (Fédération hospitalière de France), d’élu local, de « père » de la loi…, vous sentez-vous à l’aise pour présider aux destinées de ce texte au Sénat ?
Je me sens non seulement à l’aise mais j’ai suivi avec intérêt les travaux de la commission des affaires sociales. Mes collègues ont fait un travail remarquable et apporté des amendements importants.
En tant que président du conseil d’administration d’un hôpital mais aussi de la FHF, j’ai milité pour la défense du service public hospitalier. Pendant ces années, j’ai essayé de ne faire preuve ni d’esprit de chapelle, ni d’ostracisme.
L’intérêt général conduit mon action. C’était d’ailleurs le sens de mon engagement pour la présidence du Sénat. Je suis au service de la Haute Assemblée quel que soit le texte en discussion. Simplement, au cas particulier, c’est un sujet que je connais un peu !
Quelles sont les dispositions de cette loi Bachelot qui vous tiennent particulièrement à cur ?
Mes trois vux les plus chers ont pour nom : le malade, la coopération hospitalière et le territoire.
Comme je vous le disais, mon souhait est la meilleure prise en charge des patients.
Ce sont donc les besoins du malade qui doivent construire l’hôpital.
Je l’ai souvent dit « en titre, il faut mettre le mot malade ». C’est autour de lui que tout doit s’organiser. L’égal accès aux soins doit être une réalité sur la totalité du territoire.
Quant à la coopération hospitalière, il apparaît évident que nous devons aujourd’hui travailler ensemble, public-public/public-privé, tant en équipe – élus, médecins, directeurs – que sur l’élaboration de projets – réseaux, matériels, services –, le tout sur la base du volontariat et toute liberté de choix. Mais avec l’exigence de la qualité des soins et l’égalité.
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