LES PROGRÈS les plus notables sont concentrés sur les six dernières décennies mais ils ont poussé sur le terreau accumulé au cours des siècles précédents, écrit le Pr Jean Jacques Santini. Pour nous inviter à réfléchir sur l’identité de la profession, l’auteur revient longuement sur ce fameux terreau et son évolution, des chirurgiens sumériens à qui l’on coupait la main s’ils échouaient à guérir un notable au praticien qui aujourd’hui active des robots chirurgicaux à distance en passant par ceux qui ont fait progresser les pivots de la chirurgie que sont l’anatomie, l’anesthésie, l’aseptie, la transfusion. Puisque la grande histoire est aussi la somme des petites, le récit évoque les étapes les plus marquantes ou les plus emblématiques de ce parcours. Première appendicectomie réussie à Londres en 1735 grâce à l’habileté de Claudius Amyand ; première intervention cardiaque à cœur ouvert le 29 novembre 1944 signée par l’américain Alfred Blalock, un peu plus de vingt ans avant la première transplantation cardiaque de Christian Barnard en 1967 ; première mondiale de téléchirurgie pour une intervention sur la vésicule biliaire sur une patiente se trouvant à Strasbourg réalisée en 2001 par le chirurgien français Jacques Marescaux pour ne citer qu’elles.
Pensée hippocratique.
Mais ce portait détaillé des progrès et des bonds en avant de la profession n’est pas seulement factuel ou destiné à inspirer de l’admiration au lecteur ; il sert aussi de point de départ pour une analyse des interactions entre les différentes disciplines nécessaires aux progrès et transformations progressives imposées au métier et de base pour une réflexion sur son devenir alors que le chirurgien est bien souvent considéré comme un « producteur de soins ». Cette profession se transforme en effet en même temps que la société : formation, pratique, conditions de travail évoluent avec les exigences nouvelles des patients, des progrès techniques et des autres disciplines, des contraintes administratives et de la judiciarisation de la relation médecin/malade. De quoi décourager des vocations ? C’est un risque, semble dire le neurochirurgien, qu’il vaudrait mieux prévenir en toutes connaissances de causes que d’avoir à déplorer amèrement. De fait, la France comptait en 2009, 22 500 chirurgiens dont 22 % de femmes, chiffre stable depuis une dizaine d’années avec une féminisation n’ayant pas plus évolué que le nombre de chirurgiens. Car, nous dit-il, fort de sa longue expérience personnelle de chirurgien et d’enseignant, être chirurgien engage sur tous les plans, professionnel et personnel. Et si l’on ne peut véritablement parler de « vocation », l’investissement de toute une vie ne se décide pas à la va vite sur un coin de table, fut-elle chirurgicale. Ce métier aussi encensé que contesté est difficile et exigeant et son apprentissage nécessite un indispensable compagnonnage et des « chefs d’école », conditions fragilisées par les mutations de l’hôpital et les réformes médicales.
Pour autant, si le défi des mutations chirurgicales est difficile à relever, il n’est pas impossible affirme Jean-Jacques Santini qui continue de croire à la pertinence et au pouvoir de la pensée hippocratique.
Jean Jacques Santini, Les métamorphoses de chirurgia, Theles, 19 euros, 392 pages.
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