SEPT PERSONNAGES extraordinaires forment le palmarès de Martine Gozlan, grand reporter à « Marianne » et spécialiste du monde musulman et du Moyen-Orient. Sept personnages dont la notoriété varie. La plus célèbre est la jeune Pakistanaise Malala Yousafzai, que des Taliban ont gravement blessée à la tête alors qu’elle se rendait à l’école dans un bus. Depuis, elle a survécu à ses blessures et obtenu le prix Sakharov de la paix. Elle représente, par sa détermination et son courage, le chef de file des vrais martyrs de l’islam, ceux qui risquent de mourir pour s’affranchir des prescriptions obscurantistes des fanatiques, pas ceux qui se battent pour instaurer un ordre totalitaire. Depuis l’âge de onze ans, elle défendait le droit de toutes les petites filles musulmanes d’aller à l’école et elle n’avait pas quinze ans quand les Talibans ont tenté de l’exécuter en 2011. Le cas exceptionnel de cette enfant qui, à l’âge où d’autres jouent encore avec leurs poupées, a pris conscience du danger que courent toutes les filles musulmanes, a fait le tour du monde.
Mais l’auteure ne s’en tient pas à l’histoire de Malala. Elle nous révèle celle de Walid al-Husseini, un blogueur palestinien, qui veut pouvoir dire et écrire qu’il est athée en terre musulmane et est poursuivi par la police et la justice de Cisjordanie. Quelle idée incongrue ! Revendiquer son athéisme ! Et voir toutes les composantes de la société palestinienne se retourner contre lui. Les hommes et les femmes les plus attachés aux libertés se demanderont s’il est possible de lancer un défi aussi téméraire. La réponse est simple : si personne ne commence à protester, le changement n’aura pas lieu.
« Mon corps m’appartient ».
Ce qui rend l’affaire Amina Sboui d’autant plus intéressante : une jeune Tunisienne qui n’a pas hésité à publier une photo d’elle-même seins nus avec ces mots : « Mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de personne ». Là aussi, le risque est grand de voir les Occidentaux les plus intransigeants en matière de liberté se poser des questions inquiètes sur la provocation contenue dans le geste, sur le décalage entre les techniques des « Femen » et le conservatisme d’une société qu’on ne peut pas changer d’un coup de baguette magique. Mais, d’abord réprouvée par sa famille, emprisonnée, insultée, Amina Sboui finit par devenir, dans le chaudron de la crise tunisienne, le symbole de toutes ces libertés que les islamistes voulaient rayer d’un trait de plume avant de se raviser, face à un peuple qui refusait d’être privé de sa révolution. Ce qui signifie peut-être que, pour en finir avec le pire des conservatismes religieux, il faut un électrochoc.
Il faut lire l’ouvrage de Martine Gozlan, conteuse magistrale, pour découvrir les quatre autres histoires exceptionnelles, du compositeur turc Fazil Say, du Tunisien Habib Khazdagli, doyen d’une université d’où il a réussi, après une bataille interminable, à expulser les islamistes qui voulaient transformer le campus de la Manouba en mosquée, du Saoudien Hamza Kashgari (je vous laisse imaginer le sort d’un poète saoudien qui se permet d’envoyer un tweet à Mahomet), de l’Iranienne Nasrin Sotoudeh. Enfin, le livre est parcouru par des citations d’Omar Khayyam, illustre poète persan du XIè siècle qui, déjà, manifestait son scepticisme : « Sourd à la religion, tel est mon credo », écrivait-il. Ce qui montre bien que la bataille n’a pas commencé récemment. Mais qu’elle est longue.
(1) « Les rebelles d’Allah. Ils ont défié l’ordre islamiste ». Préface de Jean-François Kahn. Éditions de l’Archipel.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque