NI LES LIBYENS, qui ne veulent pas que leur révolution soit confisquée par une puissance occidentale, ni les Européens ne souhaitent un débarquement des forces américaines en Libye. Il pourrait s’agir seulement d’une expédition rapide qui délogerait Kadhafi de son bunker à Tripoli. L’idée d’une intervention militaire n’est pas scandaleuse à proprement parler. Le risque est grand, en effet, d’une partition du pays entre Cyrénaïque et Tripolitaine, avec un Fezzan livré aux tribus. L’anarchie qui s’ensuivrait constitue la plus mauvaise des perspectives et les Libyens, exemplaires dans cette affaire, comme l’ont été les Tunisiens, puis les Égyptiens, en seraient les victimes.
Le printemps en hiver.
En réalité, le déploiement des forces navales américaines au large des côtes libyennes est plus un coup de semonce qu’une menace d’invasion. Depuis qu’il a été bombardé par l’aviation américaine en 1986, le colonel a appris à ne pas sous-estimer les réactions de Washington. Mais l’opinion américaine est déjà assez meurtrie par les pertes en Afghanistan pour ne pas souhaiter que ses soldats soient exposés sur un autre théâtre. La récupération d’une telle initiative par la propagande de l’Iran et de ses clients, Hezbollah et Hamas, nuirait à l’image des États-Unis, alors que le comportement qu’ils ont adopté face aux révolutions arabes a été généralement bon et efficace, même si, pas plus que chancelleries européennes, ils n’ont prévu ce « printemps arabe » qui a commencé au début de l’hiver. Il n’en demeure pas moins que la résistance du colonel Kadhafi pose un sérieux problème. La vie économique et politique commence à s’organiser en Cyrénaïque et tant que Tripoli reste aux mains du colonel, il est difficile d’envisager la construction d’un État libyen. Il ne faut pas oublier que Kadhafi a créé dans son pays des structures très particulières, sans Constitution, sans gouvernement au sens où nous l’entendons, sans Parlement réel. Il a souvent dit qu’il ne pouvait pas être renversé parce qu’il n’est pas chef d’État. Il s’est contenté jusqu’à présent de contrôler la Libye à travers des « comités révolutionnaires » qui n’ont jamais fait que traduire sa seule volonté.
LE TEMPS PASSÉ À ABATTRE KADHAFI SE COMPTE EN VIES HUMAINES
Un des phénomènes liés aux trois révolutions arabes, c’est le déni de réalité exprimé par les dictateurs. Le colonel ne voit toujours pas pourquoi il devrait quitter le pouvoir qu’il prétend ne pas occuper. Il ne reconnaît même pas l’ampleur du soulèvement. Il affirme ne pas avoir embauché des mercenaires qui ont tiré sans discrimination sur ses compatriotes. Il a fait distribuer de l’argent aux Libyens par les banques restées ouvertes à Tripoli. Des quartiers de la ville sont aux mains des insurgés, d’autres sont contrôlés par ce qu’il reste des partisans du colonel. On peut penser que le départ, la chute ou la mort de Kadhafi sont proches, mais ce qui indigne les Occidentaux, c’est que chaque jour de bataille coûte cher en vies humaines alors même que le destin de Kadhafi est scellé. C’est ce qui donne du crédit à une intervention militaire en dépit des très graves inconvénients qu’elle présente.
Aucun scrupule.
On notera que l’exil de Ben Ali et le départ pour Charm-el-Sheikh de Moubarak ont été provoqués par le refus de l’armée, tunisienne ou égyptienne, de tirer sur des civils. M. Kadhafi, qui n’a aucun scrupule, a trouvé des soldats (ou des mercenaires embauchés depuis longtemps, ce qui signifie qu’il a tout prévu) pour faire la sale besogne. Quand nous avons vu l’Égypte tomber après la Tunisie, nous en avons conclu que toute émeute arabe se traduirait forcément par la chute d’un régime. Ce n’est pas le cas de l’Algérie où le pouvoir a tué dans l’œuf manifestations et marches. Ce n’est pas non plus le cas de la Libye où, en dépit d’une terrible violence, Kadhafi a tiré avantage des structures tribales de son pays et de l’absence de centralisation des pouvoirss. La reconstruction de la Libye sera plus difficile qu’en Tunisie ou en Égypte à cause de l’éparpillement des centres de décision et d’un sentiment national plus souvent exalté par les révolutionnaires que par les chefs de tribu. Kadhafi a d’ailleurs sa propre tribu, les Guedaffa, qui semble lui faire encore allégeance. Dans ces conditions, la menace lancée à Kadhafi par Obama n’est pas inutile.
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