Un mariage princier

Kate et William

Publié le 29/04/2011
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Crédit photo : AFP

LE MARIAGE ne devrait être qu’une formalité pour tous ceux qui n’associent pas leurs vœux à leur foi. Cet engagement n’est admirable que s’il dure et les noces d’or méritent plus d’enthousiasme que le bonheur naturel de s’être rencontrés, sans que l’on se soucierde ce qui va advenir. Fêtée dans une immense joie nationale, l’union de Charles et de Diana a abouti à un divorce. On ne saurait néanmoins séparer les festivités d’aujourd’hui de l’importance que la monarchie continue d’avoir dans le destin britannique. Ayant fait l’économie d’une révolution, la Grande-Bretagne a cimenté son unité grâce au roi, de la même manière que la France une et indivisible a pris racine dans le jacobinisme. Elizabeth II, quel que soit par ailleurs son conservatisme ou son passéisme, n’a cessé de faire son travail de reine avec un acharnement, une assiduité, un sens du devoir qui ne peuvent désoler que son fils Charles, toujours prince de Galles et toujours pas roi. « Il n’y aura bientôt que cinq monarques, disait avec préscience le roi Farouk d’Égypte avant d’être déposé par un quarteron de militaires dont Gamal Abdel Nasser : les quatre rois du jeu de cartes et la reine d’Angleterre ».

Le souvenir de Lady Di.

La mort de Diana en 1997 à Paris a eu en outre un impact historique. Les Britanniques voyaient en elle la « princesse du peuple » car elle avait de la compassion pour les gens et militait pour des causes humanitaires. Ils ont reproché à la reine Elizabeth et à son entourage leur effrayante froideur quand la terrible nouvelle fut annoncée. Il a fallu tout l’entregent de Tony Blair, alors Premier ministre, pour convaincre la souveraine qu’elle devait pleurer Lady Di en public et partager la tristesse de ses sujets. Depuis près de quatorze ans, les Anglais sont en manque de pincesse, et les voilà prêts aujourd’hui à faire de Kate Middleton, qui a le bon goût d’être une roturière, donc plus proche des couches populaires, leur nouvelle idole. Pour toutes ces raisons, le mariage de Kate et William ne saurait être traité comme une activité touristique ou commerciale tout juste bonne à faire battre le cœur des midinettes et rêver les veuves qui s’ennuient. C’est un événement qui renforcera la monarchie alors qu’elle a son lot de détracteurs nationaux, même si la chambre des Lords joue rôle législatif réduit depuis 1999 et si les dépenses du palais de Buckingham sont étroitement contrôlées.

LA MONARCHIE BRITANNIQUE EST UN ANACHRONISME AU CHARME IRRÉSISTIBLE

Sans se livrer à une sorte de psychologie de masse de pacotille, on devine que l’intérêt du monde pour les mariages princiers ou royaux (et singulièrement ceux qui se déroulent au Royaume-Uni) sert principalement à alimenter et même à enrichir la presse « people » et détourner les couches populaires, ne fût-ce qu’un moment, de leurs inquiétudes. Elizabeth, à n’en pas douter, a montré, depuis qu’elle est reine, sa force de caractère ; elle a su incarner son pays ; elle a pris très jeune d’immenses responsabilités ; elle a vécu le cauchemar de la Deuxième guerre mondiale. Il n’empêche que la supériorité de la république sur la monarchie n’est pas difficile à démontrer. Si les Britanniques sont, tout autant que les Français, libres et égaux en droits, le fait qu’un personnage dispose de privilèges pour le moins considérables par le seul fait d’être né heurtera toujours les défenseurs de l’égalité institutionnelle, mëme si elle ne se traduit pas forcément dans la vie quotidienne. Quand on dit que la présidence de la République française est une forme de monarchie, on exagère. Comme les Britanniques, les Français se passionnent pour la vie, les coups d’éclat et (surtout) les frasques de leurs dirigeants les plus puissants. Le cœur populaire a besoin d’un roi pour rêver, le bon sens populaire a besoin d’institutions républicaines.

Il ne serait pas venu à l’esprit de l’entourage de la reine de suggérer une cérémonie plus simple, dépourvue de faste et d’abonder le budget déficitaire de la Grande-Bretagne avec les sommes consacrées au mariage princier. Il ne serait pas venu à l’esprit de William et de Kate, qui se fréquentent depuis neuf ans, d’admettre qu’ils se contentent de consacrer une liaison que nos mœurs contemporaines ont avalisée au même titre que le mariage officiel. S’il est indéniable que la cérémonie plongera dans la liesse les sujets de la reine, Elizabeth et les Windsor y voient une source de panache, de puissance et de légitimité. Le tour de force royal, c’est de donner à un anachronisme un charme irrésistible.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8952