LA STRATÉGIE PrEP, nouvel outil prometteur dans la prévention de l’infection par le VIH, continue à susciter controverses et parfois incompréhension. Le CNS (Conseil national du sida) et le groupe d’experts chargé d’émettre des recommandations pour la prise en charge des personnes séropositives ont rendu chacun un avis complémentaire sur le sujet, expliquant que « la Prep ne peut se concevoir que dans le contexte d’un encadrement médical précis et adapté » et « ne peut s’envisager que comme une stratégie additionnelle aux mesures existantes et associée à un dispositif d’éducation thérapeutique ». Ces avis ont été élaborés à la demande de la Direction générale de la santé alors que la stratégie n’est validée ni en France ni en Europe contrairement aux États-Unis où l’autorisation de la mise sur le marché du premier médicament préventif, le Truvada, en prise quotidienne a été accordée le 16 juillet dernier.
En France, l’essai Ipergay, est le premier à explorer cette stratégie Prep. Il propose une offre de prévention renforcée, reposant sur l’association de tous les moyens validés (préservatifs, dépistages fréquents, traitements des infections sexuellement transmissibles) en plus de l’étude du bénéfice additionnel de la prise de Truvada à la demande, non plus en continu mais en fonction de l’activité sexuelle. Cette piste qui « n’a jamais été explorée », précise l’ANRS a fait l’objet de débats, en particulier après l’AMM délivrée par la FDA. Dans ce contexte, l’ANRS lançait en juin 2012, une consultation pour tenter de répondre à plusieurs questions : l’étude IPergay doit-elle se poursuivre ? Le maintien du bras « placebo » est-il une perte de chance pour les participants ? Existe-t-il une prise de risques accrue des participants ?
Accord de principe au Canada.
Pour ce faire ont été sollicités : le comité scientifique de l’essai composé de chercheurs, cliniciens et de représentants de l’association Aides - l’essai a la particularité d’être mené avec les personnes concernées, l’association AIDES intervenant en tant qu’opérateur et co-chercheur ; le comité associatif formé à l’origine de représentants d’une quinzaine d’associations ; un comité indépendant chargé de garantir la sécurité des participants à l’essai et dans lequel siègent des scientifiques et un représentant associatif du TRT-5. L’ANRS a également pris en compte l’avis propre que lui ont communiqué certaines associations et la position de AIDES. L’ensemble est consultable (sauf l’avis du comité indépendant qui n’est pas public) sur le site dédié de l’essai : www.ipergay.fr. De plus, l’ANRS a pris acte de la décision du Comité d’éthique du CHU de Montréal (Canada) qui a donné une approbation de principe au projet ANRS Ipergay dans la perspective d’une prochaine extension de l’essai. Après la phase pilote qui a démarré en février 2012 et qui vise à recruter et à suivre 300 patients à Paris et à Lyon pendant un an, une extension est prévue en Europe et au Canada (1 900 patients recrutés). « Actuellement, 125 personnes ont signé un consentement de participation à cette étude », relève l’ANRS.
À l’issue de cette large consultation l’ANRS a conclu à la poursuite de l’essai. Le comité scientifique a estimé que la décision de la FDA n’apporte pas d’éléments nouveaux autres que ceux connus au démarrage de l’essai et « ne modifie donc pas la pertinence scientifique du projet ». Quant au placebo que certaines associations considéraient comme une « perte de chance » pour les patients, le comité estime que le schéma retenu (randomisé en double aveugle contre placebo) « reste à ce jour la meilleure façon d’évaluer de façon rigoureuse le bénéfice additionnel d’une Prep intermittente » et permet de « limiter les conduites à risque ». Le comité indépendant souligne que quel que soit le bras dans lequel les participants sont inclus par tirage au sort, « le fait d’être dans l’essai n’est délétère ni du point de vue de l’accompagnement préventif ni du point de vue de la promotion de la santé ». Le comité associatif a, lui, réaffirmé de façon unanime l’intérêt d’un tel essai et souligné la haute qualité d’accompagnement mise en place dans les centres participant. Toutefois une majorité d’associations considèrent que la poursuite de l’essai n’est acceptable qu’à la seule condition que les participants puissent avoir une possibilité d’accès à une prise quotidienne de Truvada.
Une demande de RTU.
L’ANRS, tout en rappelant que l’utilisation du Truvada « dans la vraie vie » n’a pas été évaluée même aux États-Unis affirme être « à l’écoute » des associations qui demandent un accès au Truvada à titre préventif et se dit prête à s’engager dans les discussions en proposant son expertise scientifique. « Il appartient aux autorités de santé d’accorder ou non l’autorisation d’étendre l’usage de ce médicament en traitement préventif continu », rappelle l’ANRS.
L’association AIDES, opérateur et co-auteur de l’essai, souligne qu’elle aurait souhaité un essai « Truvada quotidien contre Truvada intermittent » mais que cette alternative étant « impossible », garder le placebo est « indispensable pour tirer des conclusions claires ». En revanche, l’association juge qu’il est aussi « indispensable » d’obtenir un accès à la Prep par Truvada en continu pour tous ceux qui en ont besoin, rappelant l’avis du CNS et du groupe d’experts pour la prise en charge du VIH. Il semble « difficile de refuser la PreP aux personnes extrêmement à risque d’infection par le VIH qui désiraient bénéficier de la PreP et ne pouvaient être inclus dans les essais », indiquait le groupe d’experts. AIDES se propose de saisir l’Agence nationale de sécurité du médicament pour obtenir la mise en place d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour « éviter un usage sauvage, ainsi que la mise en place d’une prévention à deux vitesses », ajoute l’association.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation