DE NOTRE CORRESPONDANT
« RÉDUIRE les inégalités sociales de santé est un des défis actuels les plus importants », a souligné d’emblée Éric Breton, titulaire de la chaire « promotion de la santé », fruit en 2010 d’une collaboration entre l’INPES (1) et l’EHESP. Il y a quatre ans, le Haut Conseil de la santé publique avait rendu un rapport intitulé : « Les inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité » (2). « Ce rapport donne une légitimité à ce travail d’innovation indispensable pour agir sur les déterminants sociaux », veut croire le professeur Éric Breton. Un travail qui demande à s’ancrer très concrètement dans les territoires. « L’organisation mondiale de la santé proclamait déjà en 2008 que les inégalités sociales de santé rendent malades et tuent, a expliqué le Dr Shelley-Rose Hyppolite, médecin en santé publique et professeure adjointe à la faculté de médecine de Laval (Québec). C’est un constat plutôt partagé dans le monde, mais, nous avons voulu savoir si c’était vrai aussi à un niveau plus local. »
L’exemple québécois.
Tenant compte de plusieurs indicateurs (mortalité avant 75 ans, mortalité selon cinq pathologies et naissances de faible poids et prématurées, selon le niveau de « défavorisation » (sic) matérielle et sociale), il a été observé que « des inégalités sociales de santé importantes existent dans la Capitale-Nationale (NDLR : un territoire comprenant Québec et ses environs), malgré une conjoncture économique favorable ». Entre le secteur le plus favorisé de ce territoire et le moins favorisé, « que l’on peut relier en seulement vingt minutes, nous avons constaté que la moyenne d’âge pour les hommes oscillait entre 80,5 ans et 73,4 ans, et pour les femmes entre 85,5 ans et 79,8 ans », précise le médecin. Élément essentiel de la recherche : des écarts sont notés également entre chaque strate de la population étudiée, et pas uniquement entre les deux extrémités.
Pourquoi, s’est demandée celle qui est également médecin-conseil à la Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale ? Une fois écartée l’hypothèse que les comportements individuels et les facteurs héréditaires expliquent entièrement ces différences, des investigations plus fines ont été effectuées auprès de onze groupes de personnes particulièrement touchées par les inégalités sociales de santé (pauvres, immigrés, problème de santé mentale, personnes handicapées…). « Ces personnes ont en commun de subir une exclusion sociale au quotidien qui se manifeste à travers un manque de considération, voire un rejet, des abus de toute sorte, des négligences, des violences, souligne le Dr Shelley-Rose Hyppolite. Il faut bien noter que ces situations concernent des personnes issues au départ de tous les milieux sociaux. »
Cette étude montre en réalité que malgré des niveaux élevés de revenu par habitant, d’emploi et de formation dans cette région du Québec, nombreuses sont les personnes en situation sociale difficile et qui « perçoivent des effets délétères des processus d’exclusion et de leurs conditions de vie sur leur santé », note le document de travail. Et de citer : mauvaise santé physique, angoisse, anxiété, insomnie, sentiment de frustration et de colère, sentiment de honte et de culpabilité, perte d’estime de soi et de confiance en soi, humeur dépressive et pensées suicidaires. Parmi les conclusions, l’équipe qui a mené cette étude pointe ce qu’elle considère comme un paradoxe : « Les groupes les plus touchés par les inégalités sociales de santé sont aussi les moins bien desservis par le système de santé. »
Enquête en Pays de Redon.
Convaincue par cette démarche, la Mutuelle des Pays de Vilaine (15 000 adhérents) a entamé en juin 2012, avec la chaire de l’EHESP, l’IREPS (3) et l’ARS, un programme de promotion de la santé sur le bassin de vie. « La mutuelle est investie historiquement pour exercer pleinement la protection sociale complémentaire mutualiste et œuvrer pour la santé globale et durable pour tous », a précisé Marie-Renée Briand, la directrice. Il faut dire également que le Pays de Redon présente des indices de morbidité et de mortalité les plus mauvais de Bretagne. « On observe sur le pays de Redon - Bretagne Sud une surmortalité générale comparée à la moyenne nationale de + 23 % chez les hommes, et de + 20 % chez les femmes, toutes causes confondues », peut-on notamment lire dans le diagnostic de santé. La démarche initiée est donc parue opportune. Actuellement, une enquête est en cours auprès des habitants pour recueillir leurs aspirations, en terme de qualité de vie et de bien-être. Cette étape intervient après un gros travail de mise en réseau et d’échanges entre acteurs du territoire, qu’ils soient élus, membres d’associations, directeur d’entreprise, professionnels de la santé…, et l’identification par ce comité local de facteurs qui influencent négativement ou positivement la santé de la population. Cette culture de la « promotion de la santé » essaime déjà, avec la toute récente invitation faite par l’ARS à la directrice de la mutuelle et au responsable de la chaire EHESP, Éric Breton, d’intégrer le comité de pilotage du Contrat local de santé.
(1) Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.
(2) Le rapport est accessible sur : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=113
(3) Instance régionale d’Éducation et de Promotion de la Santé.
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