Mesurer la diversité alimentaire est délicat, mais utile pour juger de la qualité d’une alimentation de subsistance, dans les pays en développement notamment. Dans le contexte d'abondance alimentaire des pays occidentaux, la diversité peut être liée à des apports nutritionnels déséquilibrés.
Il faudrait manger « varié et équilibré » pour une santé optimale. L'idée sous-jacente derrière ces termes est qu'un aliment n'est jamais complet en nutriments. Il faudrait donc consommer assez d'aliments différents, en quantité raisonnable, pour couvrir nos besoins en nutriments. Cette proposition reste vague. Par exemple, elle ne nous renseigne pas sur le niveau de variété requis : à quel point a-t-on besoin de manger varié ? « Manger varié et équilibré n'est plus une question de survie aujourd'hui dans les pays développés. Cela doit permettre, au contraire, d'éviter les excès d'apports en nutriments pour limiter la survenue de maladies chroniques (métaboliques, cardiovasculaires…) », souligne François Mariotti, professeur de nutrition à AgroParisTech.
Mais mesurer la diversité alimentaire n'est pas aisé, explique-t-il : « Il est possible de compter des aliments, ou des groupes d'aliments consommés par une personne sur une période donnée. Cette méthode pose la question de la quantité minimale à partir de laquelle on doit comptabiliser les aliments consommés. Doit-on, par exemple, compter une framboise consommée, ou ne compter qu'à partir d'une portion de framboise ? Autre point à déterminer : comment constituer des groupes d'aliments, que doit-on y inclure ou en exclure ? Les éléments à clarifier avant de mener une étude sur la mesure de la diversité alimentaire sont nombreux. »
Dans les pays industrialisés, le lien entre diversité alimentaire et qualité des régimes est complexe. « Une étude menée dans les années 1990 a montré que l'alimentation des Français était plus variée mais de qualité plus faible que celle de la population américaine (1). Toutefois, la qualité telle qu'elle est mesurée dans cette étude est à l'échelle de quelques nutriments. À mon sens, ce résultat très inattendu reflète mal la réalité profonde. En utilisant les données de l'enquête Inca 2 de 2007, nous avons pour notre part montré que la diversité était associée à l'adéquation nutritionnelle des régimes, c'est-à-dire au niveau de couverture des besoins en nutriments », indique le Pr Mariotti.
Une mesure à associer à celle de la qualité
Sur les relations entre diversité et santé, les conclusions des chercheurs ont beaucoup évolué en quarante ans. Aux États-Unis, par exemple, au début des années 1970, une étude associe une moindre diversité alimentaire à une plus forte mortalité (2). Les résultats plus récents ne vont pas dans le même sens (3) : dans les pays industrialisés, la santé métabolique et la morbidité sont liées aux scores de qualité de l'alimentation, mais non aux scores de diversité. « Manger de tout avec modération n'entraîne donc pas une meilleure qualité de l'alimentation ou une meilleure santé. Au sein de la population française, nous avons même montré qu'une plus forte diversité alimentaire est associée à des excès d'apports en nutriments dont la consommation doit être limitée », assure le Pr Mariotti.
Il ne faut donc plus considérer la diversité comme un élément autonome permettant de rendre compte de la qualité alimentaire. « Une équipe de Harvard dirigée par Maya Vadiveloo a mis au point un indice de qualité de l'alimentation qui tient compte de la diversité mais aussi de la valeur santé des groupes alimentaires concernés par la diversité », explique le Pr Mariotti. Pour bien manger, il faut donc manger diversifié, mais dans les groupes alimentaires qui contribuent positivement à l'équilibre alimentaire.
D’après une présentation orale effectuée dans le cadre du Fonds français pour l'alimentation et la santé (FFAS)
(1) Drewnowski et al. 1996
(2) Kant et al. 1993
(3) de Oliveira Otto et al. 2015 ; Fung et al. 2018
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