VIOLENTES, les critiques déferlent depuis deux mois. Obama, dans son propre pays, est accusé de tout et son contraire. De vouloir instaurer des tribunaux de la mort décidant des soins à apporter – ou à refuser – à untel, de plomber l’économie avec un projet ruineux, de proposer une réforme « nazie ». Face à l’urgence, les membres du congrès ont été dépêchés aux quatre coins des États-Unis pour éteindre les feux. Les meetings publics ont donné lieu à des débordements, largement commentés par la presse.
Pourquoi tant de passion ? « Vous savez, aux États-Unis, il suffit de dire " socialized quelque chose ", par exemple " socialized medicine ", pour que ce soit mal perçu, décrypte un Américain installé à Paris, tout juste rentré de vacances aux États-Unis . Les gens peuvent mourir faute de soins, mais il ne faut pas parler de " socialized medicine ". Tout doit être fait par le secteur privé. Le débat dépasse la seule question de l’Assurance maladie. C’est une question culturelle. Les gens refusent l’ingérence de l’État, ils ont peur de perdre leurs libertés individuelles ».
De grandes questions sont sur la table, et à ce jour, peu d’arbitrages ont été rendus. Barack Obama a même fait machine arrière sur plusieurs points. Qui doit être couvert par son plan, la totalité des 47 millions de laissés pour compte, ou une partie seulement ? Jusqu’à la fin de la vie, ou seulement en cas de perte d’emploi ou de maladie ? Et qui, du gouvernement ou des assureurs privés, doit être cet assureur ? Rien n’est tranché. Le débat se focalise sur le seul enjeu de la protection sociale, mais bien d’autres questions, d’ordre organisationnel, se posent. Quel avenir, par exemple, pour les régimes Medicare, Medicaid, et les HMO (health maintenance organizations) ? Obama assure que les fondements du système sanitaire américain ne bougeront pas, mais sa parole est mise en doute.
Cinq projets.
Cinq projets de réforme circulent actuellement. Le Congrès américain se prononcera à l’automne, peut-être dès la fin septembre. Pour Obama, le vote sera décisif : sa crédibilité politique est en jeu. D’ici là, les lobbies continuent de se déchaîner. Des dizaines de millions de dollars sont dépensés pour faire pression sur le Congrès. Les républicains, les petites entreprises et les assureurs sont contre le plan Obama. Une partie des démocrates aussi – trop coûteux, trop bureaucratique, disent-ils. Au rang des soutiens affichés, les retraités. Timidement favorable, l’industrie pharmaceutique redoute surtout d’y perdre du profit. Les médecins, eux, restent silencieux. « Pour le moment, ils ne sont ni pour ni contre. Ils veillent à leurs propres intérêts, et craignent de perdre leur propre influence auprès des malades et du gouvernement », commente un Américain du Sud. Au pronostic réservé : « Le risque d’échec est assez élevé, il n’est pas du tout certain qu’Obama réussisse quand bien même les démocrates sont majoritaires dans les deux chambres, car ses opposants s’acharnent ».
La virulence des débats américains tranche avec la tonalité de la presse européenne, globalement favorable au plan Obama. Des deux côtés de l’Atlantique, l’incompréhension. Le Wall Street Journal n’a-t-il pas récemment publié un article fustigeant la Sécurité sociale française, éternellement déficitaire. En illustration, une photo, prise au printemps dernier à Paris, de médecins hospitaliers grévistes (le Pr André Grimaldi en tête). Et cette légende : « Médecins, syndicats et autres, ont appelé à une mobilisation nationale contre la baisse des moyens en santé cette année. Une pétition signée par d’éminents médecins indique qu’ils craignent que la réforme ne transforme le système sanitaire en business lucratif, plutôt qu’en service public ». L’Américain précédemment cité, celui qui vit à Paris, ne goûte pas trop la comparaison : « Il n’est pas question de créer une Sécurité sociale à la française aux États-Unis. Le Wall Street Journal, de droite, est sous l’influence de lobbies. Dans ce débat, il y a beaucoup de manipulation. Des deux côtés, il y a un manque de franchise et d’honnêteté ». Encore quelques semaines de croisade avant le dénouement.
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