De notre correspondant
« LES REPRÉSENTATIONS du temps et ses mesures relèvent de constructions subjectives qui évoluent en fonction des conceptions, croyances et progrès technologiques », a souligné, en marge du colloque qui était organisé à Rennes sur l’importance de la rythmicité dans l’organisation psychique, le Pr Sylvie Tordjman, pédopsychiatre et responsable du pôle Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent du CHU de Rennes. Mais on peut, malgré la diversité de ces représentations, retrouver certaines constantes, comme la notion de mouvements répétés avec un rythme stable qui va permettre de définir des unités de temps égales. Cette rythmicité existe sur un plan physiologique et contribue avec les rythmes circadiens, en particulier celui de la mélatonine, à l’élaboration d’un temps biologique. « Nous avons voulu aborder au cours de ce colloque le rôle important de la rythmicité, tant dans la mise en place et le fonctionnement d’horloge(s) biologique(s) interne(s) (avec les modèles de perception du temps qui en découlent), que dans le développement et l’organisation psychiques du sujet (du bébé à la personne âgée) ou encore dans ses applications pratiques et retombées avec les rythmes scolaires de l’enfant », poursuit la spécialiste.
Un Français sur cinq.
Pour illustrer l’importance de la rythmicité, Yvan Touitou, professeur de biochimie et biologie moléculaire, a présenté un travail élaboré par l’unité de chronobiologie de la fondation Adolphe de Rothschild sur les rythmes de l’enfant face à l’école. Au-delà de la question des rythmes scolaires, l’intervention a permis de re-situer ce sujet de santé publique qui touche, rien qu’en considérant les personnes ayant un travail posté, 20 % de la population.
« L’horloge biologique est entraînée par les synchroniseurs », a tout d’abord souligné le médecin. Ces synchroniseurs parmi lesquels on peut citer le cycle lumière - obscurité (jour - nuit), le cycle veille - sommeil (activité – repos), la vie sociale, les facteurs saisonniers (température, photopériode…), les horaires de prise des repas), entraînent les rythmes. « Les rythmes endogènes persistent. Ils ne sont pas créés par l’environnement de la personne. Problème : l’organisme comprend le même signal de façon tout à fait différente en fonction de l’heure de production de ce signal ... Ce qui va entraîner des perturbations de l’horloge », a précisé le Pr Touitou.
Selon cette étude, les symptômes de la désynchronisation sont : les perturbations du sommeil, les troubles de l’humeur et de l’appétit, la fatigue persistance, la baisse des performances… « Et, à long terme, un risque cardiovasculaire et un risque de cancer ? », s’interroge le spécialiste. Face aux retards de phase dans l’adolescence (les couchers de plus en plus tardifs et la dette de sommeil importante ainsi engendrée qui peut, selon le Pr Touitou, provoquer le développement de pathologies une fois adulte) et aux avances de phase avec le vieillissement, il est important de rappeler les marqueurs du système circadien. Marqueurs « physiques » (activité motrice, agenda du sommeil, polysomnographie) et marqueurs « biologiques » (mélatonine, cortisol, température corporelle…).
Des rapports qui n’ont servi à rien.
Pour corriger les multiples sources de perturbation et « recaler l’horloge », le rôle des synchroniseurs est crucial. Comme vu plus haut, la lumière et la mélatonine sont des agents majeurs d’entraînement. D’autres facteurs vont favoriser l’entraînement : activité physique, synchroniseurs sociaux, température, régularité des heures du coucher et du lever, d’autres hormones que la mélatonine, heures des repas régulières.
Pour les enfants, on fera davantage référence au rythme de vie des parents et aux contraintes institutionnelles. C’est sur ce dernier aspect que le Pr Touitou est le plus virulent. « On est capable de dire qu’un individu connaît des perturbations de son horloge biologique, comment on peut recaler cette horloge, mais les nombreux rapports qui ont été rendus sur le sujet n’ont servi à rien », peste-t-il. Pour ce médecin, la solution passe par l’harmonisation des deux notions divergentes que sont le temps scolaire, qui est régi par l’adulte (et on pourrait ajouter : pour l’adulte), et le rythme endogène de l’enfant. « Nous voyons bien par exemple que tous les enfants arrivent fatigués à l’école ! Il faut construire le programme scolaire en fonction des connaissances scientifiques que l’on a… »
Problème : la société des loisirs, les longs week-ends et les desiderata des parents, et également les industriels du tourisme très écoutés par les pouvoirs publics constituent pour ce chercheur un « bruit de fond considérable » qui vient parasiter la réflexion et la décision.
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