LE QUOTIDIEN - Nicolas Sarkozy veut donner l’exemple en instaurant seule une taxe sur les produits financiers spéculatifs. Approuvez-vous cette stratégie du cavalier seul ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY - Pour vous répondre, permettez-moi de vous rappeler d’abord dans quel contexte mondial nous nous trouvons aujourd’hui. Le fossé entre pays riches et pays pauvres n’a jamais été aussi profond, de même que celui qui s’est creusé entre riches et pauvres au sein des pays développés ; 1,5 milliard d’hommes n’ont pas d’accès suffisant à la nourriture, à l’eau, aux soins et à l’éducation. Dans le même temps, le prix d’un repas pour quatre personnes à Paris suffirait pour prendre en charge pendant deux ans la population d’un village de l’Afrique sub-saharienne contre la tuberculose et le paludisme. L’ignorer constitue une erreur politique d’autant plus dramatique qu’Internet permet aux populations les plus pauvres de comparer leur mode de vie avec le nôtre. Si nous ne changeons pas de cap en répartissant plus équitablement les richesses, le sentiment d’humiliation va conduire les plus pauvres au désespoir puis à la vengeance.
Avec le capitalisme financier, ce ne sont plus les salariés ni les chefs d’entreprise qui détiennent le pouvoir, mais des actionnaires éloignés de milliers de kilomètres des entreprises. D’où l’idée pour laquelle je me bats à UNITAID et aux Nations Unies : nous devons tout faire pour rééquilibrer l’économie mondiale et pour cela instaurer une contribution de solidarité qui sera totalement indolore mais qui renversera la donne.
UNITAID a ouvert la voie, avec la taxe sur les billets d’avion. Nous avons à ce jour collecté 2,5 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros). J’ai la fierté de vous dire qu’aujourd’hui huit enfants sur dix atteints par les pandémies sont soignés grâce à cette initiative.
Après ce premier succès, mon combat vise à changer d’échelle, avec une taxe qui s’applique non seulement aux transactions les plus spéculatives, mais à toutes les actions, obligations et produits financiers dérivés. On devrait ainsi collecter cinq ou six milliards par an, au lieu d’un seul milliard comme le propose Nicolas Sarkozy avec la proposition qu’il a présentée la semaine dernière. La taxe qu’il envisage est insuffisante par son assiette, limitée aux produits hautement spéculatifs. Elle est de surcroît mal ciblée : il ne s’agit pas effet de se servir de la taxe pour réduire le déficit, mais de venir en aide aux pays les plus pauvres.
Comment réagissez-vous au départ annoncé de Michel Kazatchkine de la direction du Fonds mondial de lutte contre le sida ?
Les pays donateurs sont en train d’affronter une crise terrible. Vous ne pouvez certes pas demander à des démocraties qui sont au bord de la faillite, comme la Grèce, de se mobiliser pour venir en aide aux pays pauvres. En même temps, Michel Kazatchkine a parfaitement raison de tirer la sonnette d’alarme en constatant que les grands pays donateurs ont demandé au Fonds mondial de réduire de plus de deux milliards de dollars ses prévisions de ressources sur les trois prochaines années. Une telle inflexion entraînerait une catastrophe planétaire, alors même qu’UNITAID vient de mettre au point un important programme avec le Fonds : il ramène le prix du traitement à l’artémisinine de 10 à 0,20 dollars, ce qui permet de viser l’élimination de la mortalité liée au paludisme dans un délai de quinze ans. Je ne puis imaginer qu’une telle perspective puisse être remise en cause par l’égoïsme des pays donateurs.
Comment articulez-vous votre statut international pour les financements innovants et votre engagement politique en faveur de François Bayrou ?
J’avais arrêté de pratiquer la politique au plan national il y a six ans et j’ai décidé de m’engager dans cette campagne en soutenant la candidature de François Bayrou car j’ai constaté qu’il était devenu nécessaire d’entrer dans le champ politique pour faire passer dans l’opinion les thèses d’humanisme social qui sont les miennes. Je le fais avec un énorme plaisir auprès de François Bayrou, un homme je connais bien pour avoir beaucoup travaillé avec lui. Il dit aux Français la vérité, en dehors de la vieille conception d’un clivage entre la gauche et la droite. Je suis absolument persuadé qu’il sera entendu et qu’il fera au moins jeu égal avec Nicolas Sarkozy.
La campagne, telle qu’elle s’engage, vous paraît-elle à la hauteur des enjeux ?
Non, pas du tout. L’élection présidentielle est une élection clé, elle doit dessiner l’architecture nouvelle du développement et de la justice mondiale. Il serait terrible, à mes yeux, de n’évoquer que des sujets comme la retraite ou la durée du travail. Ce serait passer à côté d’enjeux internationaux essentiels. Comment la France, le pays des droits de l’homme, pourrait-elle rester indifférente au fait que toutes les trois secondes un enfant meurt dans le monde d’une maladie curable liée à l’extrême pauvreté ? Avec François Bayrou, elle doit s’engager à mettre en place une solidarité mondialisée.
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