« Georges Orwell n’aurait pas imaginé que l’Académie se préoccupe un jour de l’ouverture de l’AMP ou de la GPA à des couples homosexuels », a commenté depuis l’assistance le Pr Bernard Pessac. Les deux informations qui ont été lues le mardi 27 mai dans l’écrin de l’Académie nationale de médecine ne viennent pas de nulle part.
Elles sont une réponse aux débats précédant le vote de la loi sur le mariage pour tous en 2012 et 2013. Et une réponse prudente : une fois n’est pas coutume, le conseil d’administration a voté à bulletin secret sur l’opportunité de les rendre publiques aujourd’hui. Elles sont signées des auteurs, le Pr Roger Henrion pour la GPA, et le Pr Pierre Jouannet pour l’AMP, et pas de l’Académie.
Non à la GPA pour les couples homosexuels
Le groupe de travail présidé par le Pr Roger Henrion se prononce nettement en défaveur d’une GPA pour des couples de même sexe, interdite en France.
Les arguments en faveur de la GPA listés par les académiciens font pâle figure par rapport à l’énumération (presque interminable) des arguments opposés. Dans la colonne du « Pour », on retrouve l’indication sociétale, fondée sur une demande d’égalité et d’équité entre les couples, la raréfaction de l’adoption (697 enfants étaient placés en vue d’adoption au 31 décembre 2012, face à 25 000 demandes annuelles de la part de couples hétérosexuels), et les résultats encore fragiles de l’alternative thérapeutique que représente la greffe d’utérus.
Parmi les « contre », les Académiciens distinguent arguments éthiques et médicaux, fondés sur les risques encourus par la mère (grossesse, hémorragie de la naissance, microchimérisme) et l’enfant. « Le grand problème, c’est l’épigénétique, qui est un mode d’archivage pour stocker la mémoire d’événements ou de changements dans l’environnement de l’embryon, du fœtus, du nouveau-né », insiste le Pr Henrion. Quant à la dimension psychologique, si le rapport reconnaît qu’il n’y a guère de différence dans les performances scolaires, le comportement, le bien-être des enfants élevés par des couples homosexuels par rapport à ceux d’hétérosexuels, il rappelle les arguments de certains pédopsychiatres français liés à la psychanalyse et attachés à la différence des sexes.
D’un point de vue éthique, les Académiciens dénoncent l’atteinte au statut de la maternité, la mutation bioéthique (d’une indication médicale à sociétale), la commercialisation du corps humain, l’asservissement de la femme ou encore les choix financiers que l’ouverture de la GPA impliquerait pour la société. Tout en reconnaissant que la décision revient essentiellement au législateur, l’Académie conclut sur « les interrogations graves et inhabituelles » soulevées par la GPA.
60 % des médecins français ont aidé des couples homosexuels
Le rapport de Pierre Jouannet sur l’ouverture de l’AMP avec donneur de sperme à des indications non médicales (femmes seules ou en couple homosexuel), rappelle aussi qu’il n’est pas du ressort des médecins d’en décider, et qu’elle ne présente ni indication, ni contre-indication médicale.
L’Académie avait soumis un questionnaire aux généralistes et gynécologues à l’été 2013. Sur 270 répondants (dont 201 gynécologues), 71 % ont été consultés en 2011-2012 par 1 040 couples homosexuels souhaitant devenir parents. Plus d’un tiers envisageait une procréation naturelle, et 48,5 % une auto-insémination de la femme. Une minorité (14,5 %) consultait pour une AMP faite en France, 94 % pour une AMP à l’étranger. Plus de 60 % des médecins ont déclaré avoir participé à un projet d’AMP à l’étranger en prescrivant des traitements hormonaux, et 70 % sont suffisamment restés en contact avec les couples pour savoir qu’ils sont devenus parents.
Sans se prononcer pour ou contre, l’information de Pr Jouannet observe que l’AMPD ne fait pas d’entorse aux trois principes présidant au don : non patrimonialité, consentement et anonymat (des revendications existent mais sont davantage le fait d’enfants issus de couples hétérosexuels).
Elle souligne en revanche la nécessité d’adapter les soins (notamment les centres) à une demande croissante, de développer les campagnes en faveur du don, et d’encourager les recherches sur le devenir des enfants. « Que l’AMPD pour les femmes seules ou en couple soit légalisée ou non, il faut prendre des mesures pour assurer les meilleures conditions médicales aux femmes, pour leur bien-être et celui de leur enfant », a conclu le Pr Jouannet.
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