NE PARLEZ PLUS de médecines complémentaires ou alternatives ! Qu’il s’agisse d’acupuncture, d’hypnose ou d’ostéopathie, toutes ces pratiques ne sont pas des « médecines » mais bien « des techniques empiriques de traitement pouvant rendre certains services en complément de la thérapeutique à base scientifique de la médecine proprement dite », insiste l’Académie nationale de médecine qui préfère s’en tenir au terme de « thérapies complémentaires ». Quelle que soit leur appellation, ces pratiques ont indéniablement trouvé leur place en France dans certaines facultés et hôpitaux au point que l’Assistance-publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) les fasse désormais figurer dans son prochain plan stratégique. Une initiative qui a d’ailleurs « fortement étonné les académiciens pour qui la pratique de la médecine en France doit reposer sur des faits établis selon des méthodes scientifiques ».
À la juste place.
Dans un rapport voté mardi, l’Académie de médecine prend aujourd’hui position. Son message est aussi clair qu’attendu : ces thérapies « ne doivent jamais être vues comme une solution de premier recours, ni comme une solution de remplacement qui exposerait à des erreurs ou retards de diagnostic et à des pertes de chances ».
La « juste » place de ces pratiques doit ainsi demeurer « celle de méthodes adjuvantes pouvant compléter les moyens de la médecine, et ne devant être préconisées que dans les cas où leur utilité est plausible » et ce « au terme d’une démarche médicale où les moyens thérapeutiques éprouvés, s’il en existe, sont jugés insuffisants, contre-indiqués, mal tolérés, ou encore sont récusés, pour une pathologie bénigne, par un patient dûment informé des avantages et inconvénients réciproques », conclut ce rapport cosigné par Les Prs Daniel Bontoux, Daniel Couturier et Charles-Joël Menkès, au nom d’un groupe de travail de la commission XV. Les académiciens se sont ici penchés sur un nombre restreint de pratiques, celles « ayant fait l’objet de tentatives d’évaluation méthodologiquement acceptables ». À savoir l’acupuncture, la « médecine » manuelle (ostéopathie, chiropraxie), l’hypnose et le Tai-chi.
Délicate évaluation
« La nature de ces pratiques rend difficile une évaluation irréprochable du bénéfice apporté », constate l’Académie qui pose la question de l’effet placebo comme « explication de l’action » de ces thérapies (hormis l’hypnose dont les modifications cliniques qu’elle provoque et les changements qu’elle entraîne dans l’imagerie cérébrale la distinguent de cet effet). Pour l’Académie, l’assimilation des thérapies complémentaires les plus pratiquées à l’effet placebo ne doit pas être interprétée comme une source de disqualification. « Compte tenu des intermédiaires neurobiologiques aujourd’hui connus de l’effet placebo », elle fournit « les données scientifiques qui leur faisaient jusqu’à présent défaut, et laisse entrevoir un moyen objectif d’apprécier leur action », considèrent les auteurs du rapport. Aux yeux des académiciens, l’introduction des thérapies complémentaires au sein de l’hôpital public s’avère aujourd’hui « acceptable dans la mesure où l’hôpital n’est pas considéré comme garant de leur efficacité, mais comme lieu d’exemplarité de leur pratique et espace ouvert à la recherche les concernant ». À ce titre, « l’expérience de ces établissements devrait contribuer à terme à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques destiné à tous les intervenants publics ou privés », souligne le rapport qui émet plusieurs recommandations à l’adresse des usagers, des professionnels, des établissements de soins, des facultés de médecine et autorités de santé.
Non à un label.
L’Académie de médecine appelle notamment à « recenser les thérapies complémentaires en usage » dans les établissements en évaluant régulièrement les pratiques. En établissements, ces thérapies doivent être mises en œuvre par des professionnels dûment formés au sein d’une « structure pratiquant des soins conventionnels ». Par ailleurs, ces pratiques ne devraient être réservées en établissement, « au moins dans un premier temps » qu’à des patients hospitalisés ou l’ayant été, ainsi qu’à « ceux suivis en consultation et à ceux adressés de l’extérieur par un médecin dans le cadre d’un réseau de soins ». Du côté des facultés de médecine, l’Académie recommande d’introduire dans le programme obligatoire des études médicales une information sur les thérapies complémentaires pour aider les futurs praticiens à répondre aux questions de leurs patients dans ce domaine où la recherche hospitalo-universitaire doit être encouragée. L’Académie préconise enfin la mise d’une base publique d’informations indépendante et actualisée sur ces thérapies, ainsi que la mise en place d’un observatoire. Contrairement aux propositions formulées en octobre 2012 par le Centre d’analyse stratégique (CAS), l’Académie de médecine « déconseille fortement l’institution d’un label ou la création d’un statut de praticien de thérapie complémentaire », non justifié « compte tenu de l’hétérogénéité de ces techniques ».
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