« PERSONNE ne peut aujourd’hui toucher au droit à l’IVG, mais à sa qualité, si. » À la tête de deux services d’obstétrique, où naissent 6 500 bébés par an, Israël Nisand place toute son exigence dans la qualité des soins apportés aux femmes qui avortent. Malgré les avancés théoriques de la loi Aubry du 4 juillet 2001, qui porte de 10 à 12 semaines le délai légal pour avorter, rend facultatif l’entretien pré-IVG pour les majeures et supprime l’obligation d’un accompagnement parental pour les mineures, beaucoup de services privés ou publics restent réticents à prendre en charge les grossesses tardives. Ou ne proposent que l’IVG chirurgicale au-delà de 8 semaines. Ce que rejette catégoriquement Israël Nisand. « Les femmes doivent avoir le choix jusqu’au bout et lorsqu’on leur demande, 95 % d’entre elles préfèrent l’avortement médicamenteux. »
C’est pourquoi il a fait de l’IVG médicamenteuse jusqu’à 14 semaines la spécificité des 2 centres d’obstétrique qu’il dirige. Pour ce faire, il utilise hors AMM le misoprostol, combiné avec la mifépristone. « Je viens d’une formation de prénatal, où l’on provoque des interruptions médicales de grossesses bien au-delà de 14 semaines avec les mêmes médicaments. S’ils ne détiennent pas l’AMM entre 8 et 14 semaines, c’est simplement parce qu’il n’y a eu aucune étude réalisée sur cette période en France, où l’idéologie est encore trop puissante », argumente le médecin, ajoutant que les Anglais, Hollandais ou encore Belges pratiquent librement l’IVG médicamenteuse jusqu’à 14 semaines. Et à ceux qui avancent que l’IVG médicamenteuse, déléguée aux sages-femmes ou infirmières, est une façon pour les médecins de se désengager, voire de réduire les coûts liés à l’occupation de lit ou d’un bloc, le Dr Nisand réplique que, bien au contraire, « les patientes sont plus entourées et mieux prises en charge psychologiquement ». La preuve, par la visite des services du CMCO, qui réalise 800 IVG par an, et de l’hôpital de Hautepierre (1 200 IVG par an).
Accompagnement et confidentialité.
Tout y est fait pour faciliter l’accès à l’IVG en toute confidentialité. Au CMCO, les patientes (de 30 à 40 par jour) se rendent au guichet des « consultations en urgences, sans rendez-vous, préparation à la naissance, info-ado ». Autant de noms pour dissimuler les motifs d’une visite. « La confidentialité est le maître mot, autant pour les mineures que pour les femmes qui ne veulent pas que leur gynécologue de ville soit au courant de leur grossesse », souligne la cadre infirmière Nadine Daniel-Knezovic. Elles sont, dans les deux heures, prises en charge par une des 10 sages-femmes du centre, soigneusement recrutées : « Je vérifie qu’elles acceptent de faire des IVG et je veille à ce qu’elles soient en permanence dans le centre : pas question de travailler seulement avec des internes qui tournent tous les trois mois », affirme Nadine Daniel-Knezovic. Après un premier entretien, les consultantes ont une semaine pour réfléchir. « Même à 14 semaines, nous ne déclenchons pas la procédure d’urgence, car leur arrivée tardive cache souvent une grande ambivalence », explique la responsable. Puis elles viennent avorter, thérapeutiquement ou chirurgicalement, en hôpital de jour, où elles sont reçues, souvent accompagnées, dans des chambres doubles et lumineuses. Dix jours après, un dernier entretien (avec échographie) permet de vérifier la réussite de l’IVG, et également de parler. « Bien que l’entretien pré-IVG ne soit plus obligatoire pour les majeures depuis 2001, elles ont la possibilité de rencontrer à tout moment une psychologue et nous repérons celles qui ont besoin d’être revues », précise Nadine Daniel-Knezovic.
Prévention.
« Mais la meilleure IVG reste celle qu’on n’est pas obligé de faire », soutient Israël Nisand. « Et la prévention ne peut reposer sur des associations ou des structures privées. » Pour le gynécologue-obstétricien, qui a fondé le site Info-Ado, où des sages-femmes sont impliquées, la prévention devrait commencer dès la fin de l’école primaire, à l’instar de la Hollande, qui connaît 3 fois moins d’IVG que la France. Militant, il se rend lui-même dans les collèges et lycées pour sensibiliser les élèves, ou organise des visites scolaires à l’hôpital. En Alsace, le nombre d’avortement de mineures est en baisse. Mais cela reste une exception dans l’hexagone, où la volonté politique est absente, selon le Pr Nisand.
Y compris dans l’organisation de l’offre de soins pour les femmes et la formation des internes, estime-t-il. « Il faudrait exiger des maternités qu’elles fassent toutes des IVG et de la prévention, et que les pouvoirs publics distribuent les financements en fonction de leur activité qui doit être évaluée. Quant aux centres autonomes d’IVG, qui ne forment pas d’internes, qu’ils intègrent les services d’obstétriques ! » Une disposition prévue dans la loi. Mais très contestée par les associations qui soutiennent ces centres, et qui souhaitent continuer à offrir aux femmes le choix de l’IVG chirurgicale.
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