Entretien avec le nouveau président de l’Ordre

Le contrat d’accès aux soins ? Un « labyrinthe »...

Publié le 11/07/2013
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Crédit photo : S TOUBON

LE QUOTIDIEN - Un généraliste de banlieue de 57 ans, c’est une vraie nouveauté au CNOM. Cela va-t-il influencer votre manière de diriger l’institution ?

DR PATRICK BOUET - L’institution a choisi d’entrer dans une nouvelle dimension en portant à sa tête un médecin en activité, issu d’un département emblématique, signifiant ainsi que l’Ordre veut ouvrir une nouvelle page de son histoire.

En quoi le style « Bouet » diffère-t-il de celui de vos prédécesseurs ?

Je crois qu’il est dans la vraie vie.

On vous classe à gauche.. C’est vrai ?

Je ne suis ni de gauche ni de droite puisque par définition je suis indépendant. Ceux qui viennent du 93 sont réputés avoir une sensibilité de gauche, mais je rappelle que ce département à des élus de toutes familles politiques.

Quels sont vos dossiers prioritaires ?

Une des priorités est de redonner espoir aux médecins et confiance aux patients. C’est pour cela que nous avons voulu créer un pôle patients au sein du conseil national. Il sera coordonné par un des vice-présidents et positionnera clairement l’institution dans une relation très proche avec les associations, pour bien montrer que l’Ordre, c’est aussi l’intérêt des patients.

L’Ordre a perdu un certain nombre de prérogatives - en matière de permanence des soins, de respect du tact et de la mesure. Que lui reste-t-il?

Les textes nous ont écartés de l’organisation de la PDS, mais on vient de nous demander de mettre en application notre logiciel de gestion des gardes. Nous sommes les seuls à posséder cet outil. Les ARS n’ont de cesse localement de demander à l’Ordre de participer à l’organisation. Ce n’est pas parce qu’à un moment, un texte nous enlève une part de compétence, que celle-ci ne trouve plus à s’exprimer.

Même chose pour le tact et la mesure. On a voulu nous l’enlever mais le tact et la mesure reste une prérogative ordinale ! Les partenaires conventionnels ont mis en place des dispositifs complexes pour sanctionner les praticiens, et nous le regrettons. Le tact et la mesure restent fondamentalement de notre compétence car ils sont dans le champ déontologique.

Justement, que pense l’Ordre du nouveau contrat d’accès aux soins de modération tarifaire ?

Nous avons mis en garde les partenaires conventionnels contre l’aspect hâtif de certains dispositifs négociés. La liberté d’honoraires n’est pas celle de faire n’importe quoi. Des autorégulations sont parfois nécessaires parce que la déontologie les impose. Mais tenter d’encadrer les honoraires dans un système où avantages et inconvénients s’équilibreraient semble illusoire. Les partenaires conventionnels ont fait des choix d’encadrement et d’avenants, créant un labyrinthe ou l’on finit par ne plus savoir si le Minotaure est au bout ! Les médecins s’interrogent sur ce que signifie l’engagement dans ce contrat, ce qu’il représente comme avantages pour les patients et pour eux-mêmes (ce qui n’est pas clairement explicité), et ils n’y adhèrent pas ou peu. Faisons confiance aux signataires de la convention pour simplifier les textes et travailler avec l’Ordre.

L’Ordre envisage un recours contre le décret sur la transparence des liens d’intérêt. Où en est-il ?

Nous en appelons au conseil d’État pour dire que ce décret réduit le champ d’application de la loi. Pour nous, celle-ci est très claire et demande que soit publié l’ensemble des situations de liens d’intérêt, et notamment des dispositifs financiers. À quoi sert de dire qu’un médecin a reçu 50 euros pour un repas, si on ne parle pas d’une convention à 50 000 euros ? Le recours a été confirmé au cours de la dernière session. Il suit son cours.

Sur la fin de vie, l’Ordre avait publié en février une note de synthèse approuvant la sédation profonde et terminale. Êtes-vous en phase avec cette prise de position ?

L’institution n’a aucune raison de modifier son appréciation. On peut parler de sédation terminale, de droit de dormir avant de mourir, ce sont des mots. Que veut-on dire ? Que dans chaque cas, il conviendra qu’un ensemble de personnes se prononce dès lors que le malade ne peut pas le faire lui-même, ou respecte ce que ce patient a décidé à l’avance, ou ce qu’il exprime. Il est certain que les médecins ne sont pas là pour apporter la mort. Mais ne sommes-nous pas là pour accompagner le patient jusqu’au dernier moment ? Nous ne voulons pas être des fondamentalistes, nous essayons d’être pragmatiques et respectueux de l’homme. Une sédation terminale, c’est un acte qui permet au patient de s’endormir, de perdre le contact avec la réalité qui l’entoure, et qui permet au processus de mort de s’accomplir, peut-être plus rapidement, mais dans des conditions respectueuses. L’euthanasie, c’est autre chose : c’est apporter volontairement la mort, et là, l’Ordre ne pourra pas suivre.

On n’a guère entendu l’Ordre sur les ostéopathes non professionnels de santé et les écoles qui les forment…

Nous avons le sentiment qu’avec précipitation, les gouvernements successifs sont entrés dans une logique de leurre pour ces jeunes, qui se sont engouffrés dans cette formation. On voit leurs difficultés, eux qui ont été lancés sur un marché de niche, avec des formations inégales. C’est pour ça que nous défendons la prévalence du diplôme. Un médecin ou un kinésithérapeute peuvent revendiquer pratiquer l’ostéopathie, parce qu’ils sont avant toute chose des professionnels de santé, mais la seule ostéopathie n’est pas une profession de santé.

 PROPOS RECUEILLIS PAR HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9257