Dans le climat actuel de scepticisme face à la vaccination, « il est urgent que les pouvoirs publics prennent le mors par les dents, qu’il y ait une réflexion de toutes les instances qui s’intéressent, de près ou de loin, à la vaccination, pour qu’on s’attaque franchement au problème de l’hésitation vaccinale », martèle le Dr Pierre Verger, directeur adjoint de l’Observatoire régional de la santé (ORS) PACA, à Marseille. À propos de la pétition lancée par le Pr Henri Jooyeux, l’épidémiologiste déplore qu’un médecin puisse alimenter la suspicion et s’étonne que la réaction des pouvoirs publics n’ait pas été plus forte. Avec l’ORS PACA et l’INSERM, il vient de publier, dans la revue « Ebiomedecine », une enquête menée entre mars et juillet 2014, sur les attitudes et hésitations des médecins généralistes français, dont une première version avait été présentée en avril 2015 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). L’équipe a analysé les comportements de plus de 1 700 praticiens face à 5 vaccins (rougeole, hépatite B, méiningite, papillomavirus et grippe) dans 6 populations cible pour lesquelles la couverture vaccinale est loin d’être optimale.
Un quart des médecins doutent de l’utilité de certains vaccins
Comme dans la population générale, une proportion non négligeable de médecins est atteinte « d’hésitation vaccinale », selon les termes du Dr Verger, qui distingue deux catégories. La première, qui constitue 25 % de son échantillon, est constituée de médecins qui doutent de l’utilité de certains vaccins recommandés par les autorités, voire qui juge que les enfants sont vaccinés contre trop de maladies. « C’est évidemment très préoccupant. Cette attitude, plutôt pérenne qui ne découle pas, je pense, des polémiques, a un impact sur la recommandation de tous les vaccins ».
La deuxième catégorie est constituée de médecins qui expriment des doutes vis-à-vis de la sécurité de certains vaccins, controversés. « On peut penser que ces doutes ont été largement activés, entretenus, voire générés par les controverses qui ont eu lieu depuis une vingtaine d’années ». D’après les résultats de son enquête, en 2014, 10 % des médecins estimaient un lien « probable » entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques. 6 % avaient le même raisonnement pour le vaccin anti-HPV. Le pourcentage grimpait à 30 % sur les effets délétères à long terme des adjuvants.
Démêler le vrai du faux
Paradoxalement, seulement 15 % des médecins estimaient qu’un lien était probable entre le vaccin antigrippal et le syndrome de Guillain Barré, note le Dr Verger, « or dans ce cas précis, un lien, certes rarissime, a été établi ! rappelle-t-il. Donc il semble qu’ils ne démêlent plus le vrai du faux. Ils lisent la presse, tombent sur des sites critiques voire réticents sur Internet et, ce n’est pas qu’ils font confiance à ces sources, mais ces informations contradictoires les perturbent. »
Or, les médecins jouent un rôle fondamental dans la vaccination. « Quand les patients ont à faire à des médecins hésitants, cela ne peut que renforcer leur propre hésitation. Il y a un cercle vicieux qu’il faut absolument interrompre. »
Savoir académique et savoir-faire
Pour ce faire, le chercheur préconise de renforcer la formation universitaire et la formation continue des médecins sur la vaccination. Mais les connaissances scientifiques ne sont pas les seules qui entrent en jeu : « Les médecins ne sont pas tous préparés à gérer des situations complexes et potentiellement conflictuelles avec leurs patients. ça demande de savoir communiquer des faits scientifique sans se laisser déstabiliser par les propos des patients. C’est difficile – tout le monde ne sait pas faire. Lors des séances de formation que nous avons organisées en PACA, certains médecins ont révélé qu’ils se sentaient complètement dépourvu face à certains patients très revendicatifs. » Pour le Dr Verger, « il faut aider ces médecins, on ne peut pas les laisser se dépatouiller seuls dans des situations aussi complexes. »
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