DEPUIS SON intégration dans la constitution en 2005, le principe de précaution n’a cessé d’être remis en question. Encore cet automne, à l’occasion de la cinquième édition de CHAM, le député UMP Jean-Pierre Door, vice-président de la commission des Affaires sociales de l’assemblée nationale, a décroché les applaudissements du public de professionnels de santé en rappelant qu’une proposition de loi a été déposée en juillet visant à ôter au principe de précaution sa portée constitutionnelle, considérée comme un frein à la compétitivité. Le message du CESE dans son étude de décembre 2013 prend le contre-pied de ces attaques : « Le principe de précaution est un principe d’action qui a toute sa place dans la constitution. Dynamique, il suscite l’innovation », assure l’auteur Alain Feretti, maire de Grambois et administrateur de l’Union nationale des associations familiales (UNAF).
S’il est parfois considéré comme une force d’inertie, c’est en raison d’une lecture fallacieuse, qui le confond avec les principes de prévention et de prudence. Or ces derniers s’appliquent à des risques avérés, à la différence de la précaution, qui vise des risques potentiels ou incertains. Alain Feretti, depuis « le temple du temps long » (périphrase pour le CESE) accuse les pouvoirs publics : « L’État Français ne réagit que dans l’urgence, après une catastrophe, sous l’œil de l’opinion publique ». Et de pointer les usages abusifs du principe de précaution, à l’occasion du nuage de cendres du volcan islandais, de la tempête Xynthia, ou encore de la grippe A(H1N1), qui ne présentaient pas d’incertitude scientifique.
Connaissances et transparence.
Le principe de précaution inspire au contraire l’innovation en exigeant l’augmentation des connaissances. Il ne demande pas la preuve de l’innocuité comme préalable à toute autorisation, mais, reposant sur le doute méthodique, il implique que les scientifiques puissent énoncer des certitudes et incertitudes précises relatives aux dangers, aux expositions et aux risques.
En outre, il devrait systématiquement s’assortir d’un débat public transparent, qui permette de s’approprier les enjeux d’une problématique et d’éviter les conflits d’intérêt. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) montre la voie, estime le CESE, en orchestrant le travail de chimistes, toxicologues, épidémiologistes, médecins, chercheurs et associations de la société civile ou syndicats. « Il faut retisser la confiance après les scandales qui ont entaché l’expertise. Les pouvoirs publics doivent donner un cadre de débat apaisé où les décisions sont prises alors que les décideurs et la société civile sont au courant », développe Alain Feretti.
Le principe de précaution appliqué à la téléphonie mobile a engendré plusieurs initiatives, dont le Grenelle des antennes, en 2009, qui a accueilli pour la première fois certaines associations comme les Robins des toits. Des travaux de recherches ont été lancés et de nouvelles obligations, imposées aux opérateurs. Enfin, les pouvoirs publics ont décidé la mise en place de deux taxes, l’une permettant d’alimenter un fond de 2 millions d’euros par an à la disposition de l’ANSES pour des recherches sur les radiofréquences, l’autre pour financer les mesures d’exposition, y compris sur demande des particuliers.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque