La consommation d’édulcorants (en particulier d'aspartame, d'acésulfame-K et de sucralose, les trois plus courants) serait associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires - première cause de mortalité dans le monde, selon une nouvelle étude de l'Équipe de recherche en épidémiologique nutritionnelle (Eren)*, publiée ce 8 septembre dans le « British Medical Journal ».
L'équipe de la Dr Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm et coordinatrice de l’étude, qui a déjà montré dans une publication de mars, une association entre édulcorant et cancers, s'est penchée sur les données de santé de 103 388 adultes participants à l'étude cohorte française NutriNet-Santé sur la période 2009-2021.
Statistiques sur la cohorte NutriNet
Les volontaires, âgés en moyenne de 42 ans et majoritairement (à 80 %) des femmes, ont eux-mêmes déclaré, via des questionnaires spécifiques, leurs antécédents médicaux, leurs données sociodémographiques, leur mode de vie et leur état de santé. Ils ont renseigné en détail leurs consommations alimentaires en transmettant aux scientifiques des enregistrements complets sur plusieurs périodes de 24 heures, incluant les noms et marques des produits. Leurs expositions aux additifs, notamment aux édulcorants**, ont ainsi pu être évaluées précisément. Jusqu'à présent, les rares études en vie réelle portaient sur l'exposition aux boissons édulcorées, et non aux édulcorants artificiels dans leur ensemble (dans les yaourts, les aliments allégés, etc.).
Plus de 37 % des participants consomment des édulcorants, en moyenne 42,46 mg par jour, soit l'équivalent de 100 ml de soda édulcoré ou d'un sachet individuel d'édulcorant de table. Les plus gros consommateurs étaient plus jeunes, avec un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé ; ils étaient plus susceptibles de fumer, de suivre un régime amaigrissant et moins actifs.
Par ailleurs, les chercheurs ont recueilli des informations sur le diagnostic de maladies cardiovasculaires (coronariennes et cérébrovasculaires) au cours de la période de suivi (2009-2021).
Sur ces données, ils ont conduit des analyses statistiques visant à étudier les associations entre la consommation d’édulcorants et le risque de maladies cardiovasculaires des participants, en tenant compte de nombreux facteurs potentiellement confondants (âge, sexe, activité physique, tabagisme, antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires, apports énergétiques, alcool, sodium, acides gras saturés et poly-insaturés, fibres, sucres, fruits et légumes, viande rouge et transformée).
Des maladies différentes selon les types d'édulcorants
Les chercheurs constatent une association entre consommation totale d'édulcorants et augmentation du risque de maladies cardiovasculaires (HR : 1,09), et plus précisément de maladies cérébrovasculaires (HR : 1,18). Le taux d'incidence absolue chez les plus grands consommateurs était de 346 pour 100 000 personnes-années, et de 314 pour 100 000 pour les non-consommateurs.
Concernant les types d’édulcorants, l’aspartame était plus étroitement associé au risque de maladies cérébrovasculaires (HR : 1,17) et l’acésulfame-K et le sucralose au risque de maladies coronariennes (respectivement HR : 1,40 et 1,31). Des associations directes apparaissent entre sucralose et risque d'angioplastie (HR : 1,60) et totalité des édulcorants et événement ischémique transitoire.
Les analyses statistiques ne mettent pas en valeur de bénéfice, en termes de maladies cardiovasculaires, à remplacer le sucre ajouté par des édulcorants artificiels. « Cette étude à grande échelle suggère, en accord avec plusieurs autres études épidémiologiques sur les boissons édulcorées, que les édulcorants, additifs alimentaires utilisés dans de nombreux aliments et boissons, pourraient représenter un facteur de risque accru de maladies cardiovasculaires », explique Charlotte Debras, doctorante et première auteure de l’étude.
« Ces résultats, en accord avec le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié cette année, ne soutiennent pas l’utilisation d’édulcorants en tant qu’alternatives sûres au sucre. Ils fournissent par ailleurs des données importantes pour leur réévaluation en cours par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et d’autres agences de santé publique dans le monde », conclut la Dr Mathilde Touvier.
Néanmoins, cette étude doit être répliquée pour que soient confirmés ces résultats. Malgré la prise en compte rigoureuse des facteurs confondants par les chercheurs français et des limites d'une étude observationnelle, plusieurs experts insistent, auprès du Science Media Centre pour distinguer corrélation et causalité.
* Qui regroupe des chercheurs et de l’Inserm, de l’Inrae, du Cnam et de l’Université Sorbonne Paris Nord.
** Ont été pris en compte l'aspartame, l'acésulfame-K, le sucralose, les cyclamates, la saccharine, la thaumatine, la néohespéridine dihydrochalcone et les glycosides de stéviol.
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