La polymédication de leurs patients ? (Presque) pas un problème aux yeux des médecins généralistes, révèle une enquête de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)*, sur leurs opinions et pratiques.
En France, 30 à 40 % des personnes âgées de 75 ans et plus prennent au moins 10 médicaments différents par jour. Près de 80 % des généralistes se considèrent responsables de l'ensemble du contenu de l'ordonnance, y compris des traitements prescrits par d'autres (surtout les hommes, note-t-on, qui seraient moins prompts que les femmes à joindre un confrère spécialiste en cas de doute, interprètent les auteurs). Ils sont 83 % à se dire bien informés de l'ensemble des médicaments pris par leurs patients souffrant de multimorbidité.
La quasi-totalité des généralistes se « sentent à l'aise » pour proposer de déprescrire des médicaments qu'ils jugent inappropriés. Mais de là à passer à l'acte… Seulement 35 % d'entre eux déclarent le faire souvent, 63 % parfois. Parmi les raisons évoquées : les généralistes ne verraient pas toujours la nécessité de déprescrire, ou se heurteraient à plusieurs obstacles : mauvaise communication avec les prescripteurs, réticence des patients, crainte de la récidive des symptômes, etc.
Le lien avec les spécialistes joue. Seulement la moitié des généralistes pensent que les spécialistes connaissent l'ensemble des traitements du patient, et 85 % estiment qu'un suivi par un spécialiste augmente le risque d'interactions médicamenteuses. La déprescription semble être surtout le fait des médecins généralistes qui estiment être responsables du contenu des ordonnances, moins des médecins qui partagent davantage la responsabilité avec les spécialistes.
L'étude renseigne aussi sur le regard que portent les généralistes sur les souhaits de leurs patients, qui influencerait, sans être pour autant significatif, la déprescription : 84 % des médecins pensent qu'ils attendent des prescriptions médicamenteuses, 62 % présument qu'ils ressentent l'arrêt d'un médicament prescrit depuis longtemps comme un abandon de soin. Les trois quarts des généralistes estiment que les patients ne sont pas conscients des interactions médicamenteuses… Contrairement à ce que révèlent d'autres études, soulignent les auteurs.
Des recos jugées peu adaptées
Les médecins généralistes s'informent en lisant la presse scientifique (82 %), en prenant l'avis des spécialistes (81 %), en recourant à l'outil d'aide à la prescription du logiciel métier (71 %), ou en consultant l'agence nationale de sécurité du médicament et les sites Internet médicaux (65 %). Arrivent en dernière position les visiteurs médicaux (44 %), en qui la confiance est très érodée (77 % n'ont plutôt pas confiance, ou pas du tout, conséquence des scandales sanitaires), et le ministère de la Santé, jugé plus fiable (66 % lui font confiance) mais moins pourvoyeur d'informations sur les médicaments que l'ANSM, par exemple.
Les trois quarts des généralistes estiment que les guides de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé et des sociétés savantes leur apportent une aide concrète lors de la prise en charge de patients multimorbides, mais seulement un tiers déclarent s'appuyer sur ces guides. Les médecins regrettent en effet que les recommandations soient difficilement applicables chez des patients polypathologiques, voire que les suivre simultanément entraîne des interactions médicamenteuses.
Enfin, 62 % des généralistes jugent insuffisante la collaboration entre médecins traitants et pharmaciens, ces derniers pouvant alerter le médecin, en cas d'interaction médicamenteuse, estiment-ils. Les généralistes se montrent aussi prêts à davantage collaborer avec les autres professionnels de santé, la moitié évoquant un suivi par les infirmiers.
* Enquête réalisée entre mai et septembre 2016, auprès d’un échantillon national de 1 183 médecins.
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