« JE N’AI QU’UN SOUHAIT, c’est qu’on n’oublie pas Haïti et qu’on leur apporte l’aide promise. » Un an après le séisme en Haïti, le Pr Olivier Armstrong, chirurgien et professeur d’anatomie au CHU de Nantes, n’a rien oublié. Arrivé dans l’île le 8 janvier 2010, il devait y passer une semaine dans le cadre d’une mission organisée par la Conférence internationale des doyens et des facultés de médecine d’expression française (CIDMEF), organisme créé il y a trente ans pour œuvrer au développement de la qualité des études de médecine dans une quarantaine de pays du Maghreb, d’Afrique sub-saharienne, d’Asie du Sud-Est, à Madagascar ou encore à Haïti. Le 12 janvier, son séminaire pédagogique terminé vers 16 heures, le Pr Armstrong pensait jouir d’un repos mérité. « J’ai été projeté par terre et je me suis retrouvé au pied du lit. Il m’a été impossible de sortir. J’ai donc attendu caché sous le lit, regardant le plafond en espérant qu’il ne s’effondre pas », raconte-t-il. Le moment de panique passé, il a fallu faire face malgré le chaos, rassurer la population, participer aux premiers secours, soigner les blessés mineurs. Ami du médecin de l’ambassade de France, le Dr Gérard Chevallier, dont la maison s’est écroulée, il a participé au sauvetage de 3 personnes, dont deux enfants ensevelis dans les décombres. « Le drame était total mais j’ai aussi connu la joie et le bonheur total », reconnaît-il, notamment lorsqu’à l’aide des pompiers après avoir creusé pendant des heures, il a pu voir et toucher les rescapés.
Les cinq premiers rapatriés.
Responsable depuis 13 ans du DIU « Urgence et médecine de catastrophes », reconnu par l’université de Nantes mais dispensé au Vietnam, il n’a pas voulu faire parti des premiers rapatriés. « Je voulais ramener avec moi des enfants », confie-t-il. Grâce à sa ténacité, il a ainsi aidé à évacuer cinq patients victimes d’un crush syndrome, Medjina, 7 mois, et sa maman, Menos, 5 ans, Olivier, 5 ans, Midiana, 18 ans, et Pierre-jean 20 ans. Tous ont été opérés en urgence au CHU de Pointe-à-Pitre. « Le dernier, victime d’une fracture ouverte de la cheville avec une gangrène, a dû être amputé, mais tous ont été sauvés », se réjouit encore aujourd’hui le Pr Armstrong.
L’ouvrage qu’il publie à compte d’auteur, « Témoignage au cœur du séisme », retrace son expérience haïtienne. Disponibles sur demande à l’adresse aideetpartagedanslemonde@gmail.com, les exemplaires sont vendus* au profit de l’association Aide et partage dans le monde**, qu’il a créée avec sa fille à la suite du tremblement de terre. « La situation là-bas n’est pas bonne. L’instabilité politique est totale, l’épidémie de choléra se poursuit, la reconstruction n’a pas vraiment commencé. Tous les messages qui me parviennent notamment de la doyenne de la Faculté de médecine qui a été détruite et n’a pas été reconstruite, le disent : Il ne faut pas les abandonner », conclut-il.
Sortir de l’urgence.
Sur place, les associations, parmi lesquelles Médecins du monde (MDM) et Médecins sans frontières (MSF), font le même constat. Malgré les promesses, le processus de reconstruction piétine. « Même pas un hôpital n’a pas été reconstruit », déplore Stéfano Zanini, chef de Mission en Haïti pour MSF. La réponse des humanitaires a été, selon lui, « exceptionnelle ». Sur les 104 millions d’euros reçus pour Haïti, MSF a dépensé la totalité des fonds (94 millions pour le séisme et 10 millions pour le choléra). « C’est la plus grosse opération d’urgence jamais réalisée », souligne le Dr Marie-Pierre Allié, présidente de MSF France. « Le moment est venu de s’inscrire dans le long terme, la réponse ponctuelle ne suffit plus », déplore Stéfano Zanini qui avoue ressentir un sentiment « contradictoire et ambigu ». La population est, selon lui, trop dépendante de l’aide humanitaire. MSF dispose de 1 100 lits, « près d’un quart des lits disponibles dans le pays », souligne-t-il. L’épidémie de choléra a fait plus de 160 000 victimes dont « la moitié a été soignée par MSF », poursuit-il.
Médecins du monde rappelle que, « sur les 10 milliards de dollars promis en mars 2010 lors de la conférence de New York par les bailleurs internationaux et les États membres des Nations unies, seulement quelques centaines de millions ont été décaissés. » MDM a reçu 18,8 millions d’euros et dépensé plus de 11,5 millions d’euros depuis le 12 janvier, alors que 7,3 millions sont déjà engagés pour les mois à venir. MDM insiste : les humanitaires sont parfois réduits « au rôle de pompiers dans un pays dévasté ». L’assistance ne doit plus être envisagée uniquement au travers des programmes d’urgence. L’enjeu est bien celui de la reconstruction « en panne et pourtant tant attendue ». Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) 810 000 personnes vivent encore sur 1 150 camps précaires à Port-au-Prince et en province.
* Au prix de 15 euros + frais de port .
** 18, rue Gabriel Luneau, 44 000 Nantes.
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